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Reporters Sans Frontières - RSF 

 

Rwanda - Rapport annuel 2002

La liberté de la presse n'est pas garantie au Rwanda. Des journalistes continuent de faire l'objet de menaces et de pressions. L'autocensure est forte et certains sujets ne peuvent pas être abordés sans s'attirer les foudres des autorités.
On ne peut parler d'un réel pluralisme de l'information au Rwanda. En dehors de quelques articles ou éditoriaux critiques, les informations diffusées sont largement favorables au pouvoir en place. En dehors de la presse gouvernementale (Imvaho, La Relève), il existe moins d'une dizaine d'hebdomadaires et de mensuels privés. La plupart des titres survivent grâce aux achats d'espaces publicitaires des différentes administrations de l'Etat et des grandes compagnies publiques. Les tirages ne dépassent pas 4 000 exemplaires et la quasi-totalité du lectorat est concentrée dans la région de Kigali.
L'audiovisuel est au service exclusif du pouvoir en place. Un responsable d'une association de défense des droits de l'homme locale souligne qu'il faut parler de "médias gouvernementaux" et non de "médias publics". Radio Rwanda et la Télévision nationale du Rwanda (TVR) sont les seuls organes de presse d'envergure nationale. La radio est de très loin le média le plus suivi par la population. Les radios et télévisions privées, prévues dans la loi sur la presse de 1991, sont interdites de facto. Les autorités ont invoqué à plusieurs reprises les conséquences tragiques de la création de la Radio-télévision libre des mille collines (RTLM) pour refuser d'accorder des autorisations d'émettre à des entrepreneurs privés.
Une nouvelle loi sur la presse est adoptée par le Parlement le 28 septembre 2001. L'article 89 précise : "Quiconque, par voie de presse, tente d'inciter une partie de la population rwandaise à commettre le génocide et suivi d'effet, encourt la peine de mort". Cette disposition est une porte ouverte à des condamnations arbitraires de journalistes critiques ou d'opposants. Selon un journaliste local, cette loi aurait pu permettre de condamner Pasteur Bizimungu à mort pour des propos qu'il a tenus dans une interview accordée à l'hebdomadaire Jeune Afrique L'Intelligent. L'ancien chef de l'Etat avait notamment affirmé qu'au regard de la situation actuelle, de nouveaux massacres pourraient être perpétrés dans le pays. En toute fin d'année, le 19 décembre, le président Paul Kagame se déclare opposé à ce projet de loi. "Nous n'avons pas de loi sur le génocide. Ce devrait être le point de départ", déclare-t-il à la presse.
Certains sujets (la présence du Rwanda en République démocratique du Congo, les exactions du Front patriotique rwandais, etc.) sont tabous dans la presse. De très nombreux journalistes affirment s'autocensurer par peur des représailles. Peu ouvert à la critique, le Président a compris que des pressions discrètes et ciblées étaient parfois plus efficaces qu'une répression policière particulièrement sévère. Il fait partie de la liste des prédateurs de la liberté de la presse dans le monde établie par Reporters sans frontières.
Journalistes incarcérés
Au 1er janvier 2002, au moins dix journalistes sont détenus au Rwanda. Tous sont accusés d'avoir participé, d'une manière ou d'une autre, au génocide de 1994. L'organisation estime que seules deux arrestations constituent des atteintes à la liberté de la presse, celles de Dominique Makeli et de Tatiana Mukakibibi.
Dominique Makeli, journaliste de Radio Rwanda, est détenu à la prison centrale de Kigali (PCK). Pendant les premiers jours du génocide, il fuit à Kibuye (ouest du pays) où l'un de ses fils a été tué un mois plus tôt par des Interahamwe (miliciens extrémistes Hutus). Le 18 septembre 1994, de retour à Kigali, il est interpellé à son domicile par un agent du Département des renseignements militaires (DMI). En octobre 2001, le procureur de la République, Sylvaire Gatambiye, affirme à Reporters sans frontières que Dominique Makeli est accusé d'avoir "incité au génocide dans ses reportages". En mai 1994, il avait couvert une apparition de la Vierge à Kibeho (ouest de Butare) et rapporté sa supposée déclaration : "Le parent est au ciel". Le procureur explique que, dans le contexte de l'époque, cela signifiait : "Le président Habyarimana est au ciel". La population aurait interprété ce message comme un soutien de Dieu à l'ancien président et, par extension, à la politique d'extermination des Tutsis.
Tatiana Mukakibibi était animatrice et productrice de programmes à Radio Rwanda. En juillet 1994, elle se réfugie avec ses collègues en République démocratique du Congo (RDC). Le 10 août, elle rentre au Rwanda, à Kapgayi (près de Gitarama) où elle travaille avec l'abbé André Sibomana (ancien directeur de Kinyamateka et lauréat 1994 du prix Reporters sans frontières Fondation de France, décédé en mars 1998). En juillet 1995, elle est arrêtée et détenue pendant quelques jours. Par peur des représailles, elle fuit en Ouganda. Elle revient au Rwanda le 30 septembre 1996 et, deux jours plus tard, est interpellée à son domicile de Ntenyo (Gitarama) par la police. Tatiana Mukakibibi est aussitôt conduite au cachot communal où elle est toujours détenue dans des conditions très pénibles. Le lendemain de son arrestation, un inspecteur de police lui demande de déclarer qu'elle est partie en Ouganda sous la protection de l'abbé Sibomana. Si elle avoue, lui assure-t-il, elle pourra partir librement. Elle refuse et cinq jours plus tard, elle est accusée d'avoir distribué des armes et tué Eugène Bwanamudogo, un Tutsi qui réalisait des programmes radiophoniques pour le ministère de l'Agriculture. Pendant l'été 2001, le substitut du procureur de Gitarama confirme ces accusations. D'après Tatiana Mukakibibi, c'est un coup monté par des gens de son village parce que André Sibomana envoyait des rapports aux organisations internationales pour dénoncer les exactions commises par des Tutsis en représailles des massacres d'avril 1994. Certaines personnes citées dans ces documents auraient essayé, à travers elle, de faire arrêter André Sibomana.
Dans quatre autres cas (Ladislas Parmehutu, Joseph Habyarimana, Gédéon Mushimiyimana et Telesphore Nyilimanzi), Reporters sans frontières ne dispose pas d'éléments suffisants pour se prononcer avec certitude sur leur implication ou non dans le génocide. Il semble que les motifs des interpellations de deux autres journalistes Joseph Ruyenzi et Domina Sayiba soient liés à des querelles et à des rivalités entre leurs familles et celles des plaignants. Leur détention n'est donc pas liée à leur activité professionnelle. Dans tous les autres cas, il est fort probable que les journalistes aient appelé à la haine ethnique avant et pendant le génocide.
Ladislas Parmehutu fuit vers la RDC en avril 1994. A son retour, en 1996, il est arrêté par la police communale de Byumba (nord du pays). Après trois années passées dans la prison de cette préfecture, il est transféré, fin 1999, à la PCK. Il a été interrogé à six reprises, mais personne ne lui a jamais communiqué de chef d'accusation.
Joseph Habyarimana est détenu depuis le 28 octobre 1997. Selon lui, son arrestation est liée à des articles, publiés dans les numéros 24 et 25 du journal Indorerwamo, dans lesquels il affirmait qu'une femme de Kigali, très influente au sein de l'administration locale voulait faire emprisonner des Hutus de son quartier qu'elle accusait d'avoir participé au génocide. Une semaine après son arrestation, Joseph Habyarimana est interrogé et accusé d'avoir participé à une attaque collective au Mont Jari (Kigali) et d'être revenu en ville en jouant au football avec une tête humaine. Il dément les accusations portées contre lui. Par manque de preuves, Reporters sans frontières est dans l'incapacité de se prononcer sur le motif exact de la détention de Joseph Habyarimana.
Gédéon Mushimiyimana devient journaliste à la télévision nationale en 1995. Un an plus tard, il est arrêté à Kigali par des gendarmes et accusé d'avoir "transmis une information" à Radio France Internationale (RFI) affirmant que Paul Kagame, à l'époque vice-président de la République, était un "terroriste". En mai 1999, il est transféré à la prison centrale de Kigali où il est interrogé par la chambre du conseil. On l'accuse dorénavant d'avoir été complice de la mort de sa femme. Gédéon Mushimiyimana est détenu à la prison de Butare.
Telesphore Nyilimanzi, chef de service de Radio Rwanda, rentre au Rwanda en décembre 1996 après plus de deux ans d'exil. Il occupe différentes fonctions au sein du ministère de l'Administration locale et des Affaires sociales (MINALOC, en charge de l'information). En août 2000, un mois après son arrestation, il est accusé par la chambre du conseil d'avoir été un "planificateur et incitateur en sa qualité de chef de service à la radio" de massacres dans le nord-ouest du pays en 1992.
Deux autres journalistes ont été incarcérés en 2001.
Le 19 avril 2001, Timothée Bwandinga, directeur de publication du journal Ishakwe y'i Rwanda, est interpellé par des hommes du Département d'investigation criminelle (CID). Accusé par son ancien journal, The New Times, de détournement de fonds, il est détenu pendant une semaine à la brigade de Remera. Le rédacteur en chef d'Ishakwe et le directeur financier sont également interpellés pendant quelques heures par le CID. Leur pièces d'identité sont confisquées, les empêchant ainsi d'effectuer les opérations bancaires nécessaires à la parution du journal.
Le 31 décembre, Amiel Nkuliza, directeur de publication du magazine Le Partisan, est arrêté à Kigali et conduit dans les locaux du CID. On lui reproche la publication d'articles sur les dissensions au sein du Mouvement démocratique républicain (MDR, membre de la coalition gouvernementale). Selon le journaliste, les policiers lui ont demandé de révéler ses sources. Il a refusé, mais son domicile a été perquisitionné et le manuscrit d'une interview de Pierre Gakwandi, ancien secrétaire général du MDR, y a été trouvé. Le 3 janvier 2002, le responsable politique est interpellé par la police. Le même jour, le journaliste est placé en liberté provisoire, mais doit se présenter régulièrement à la police.
Quatre journalistes interpellés
Le 1er juin 2001, l'ancien chef de l'Etat, Pasteur Bizimungu, lance officiellement le Parti démocrate pour le renouveau (PDR). Il contacte la presse et notamment Ismaël Mbonigaba, directeur de publication d'Umuseso, et Shyaka Kanuma, du même journal. Les deux hommes sont arrêtés après avoir recueilli les propos de Pasteur Bizimungu. Ils sont finalement relâchés à minuit. Le même jour, Thomas Kamilindi, correspondant de la British Broadcasting Corporation (BBC), et Lucie Umukundwa, correspondante de la Voice of America (VOA), recueillent également les propos de l'ancien chef de l'Etat. Ils reçoivent aussitôt des coups de fil menaçants de la part de responsables des services de renseignements. Finalement, sous la pression, les deux journalistes restituent la cassette de leur enregistrement aux autorités.
Le 13 novembre, Elly Mcdowell Kalisa, journaliste de l'hebdomadaire Umuseso, est interpellé par la police au poste frontière de Gatuna (proche de l'Ouganda), en compagnie de Casimiry Kayumba, directeur de publication du journal Ukuri. Ce dernier est libéré aussitôt, mais cinq cents exemplaires de son journal sont détruits par la pluie. Les deux journalistes rentraient de Kampala, en Ouganda, où leurs publications sont imprimées. Tous les exemplaires d'Umuseso sont également saisis. Elly Mcdowell Kalisa est conduit à Kigali. On lui reproche la publication d'une page consacrée à l'éducation sexuelle. Les autorités qualifient ces informations de "pornographiques". Le journaliste est libéré dans la soirée après que le directeur de publication d'Umuseso s'est engagé à ne plus publier d'informations de ce type.
Pressions et entraves
Le 13 avril 2001, Gérard Mbanda, rédacteur en chef de la télévision nationale, est suspendu de ses fonctions. La direction générale de l'Office rwandais d'information (ORINFOR) lui reproche d'avoir laissé passer à l'antenne un reportage présentant le président de la République "sous un mauvais jour". Dans ce document, on pouvait apercevoir Paul Kagame enlever ses lunettes pour essuyer la sueur de son visage et chercher un verset dans la Bible.