Les pièces du puzzle IGIHANGO.
Il y a un peu moins de deux mois, nous avons appris qu'une alliance de partis
de l'opposition rwandaise en exil avait été mise sur pied. Cette alliance qui
réunit les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR,
majoritairement hutu et basé au Congo-Kinshasa) et l'Alliance Rwandaise pour
la Renaissance du Rwanda (majoritairement tutsi, basé en Amérique du Nord)
et Nation Imbaga y'Inyabutatu Nyarwanda (monarchiste,
mixte [?], Bruxelles) a été rendue possible grâce à la médiation opportune de
l'homme daffaires Valens Kajeguhakwa, en froid avec le régime de Kigali
depuis l'an dernier.
L'alliance était présentée comme un rassemblement volontaire de partis
rwandais en exil qui voulaient faire changer les choses dans leur pays. Au sein
d'un des partis, l'Arena pour ne pas la citer, la démarche entraîna des
dissensions et l'exclusion de certains de ses membres qui auraient engagé le
parti dans la coalition sans en avoir le mandat. Les dissensions ne furent pas
résorbées et la partie qui appuyait l'alliance s'est érigée en direction du parti
suite à un congrès qui aurait eu lieu à Ottawa le 7 et 8 mai. Un autre Congrès
(prévu depuis décembre 2001, initialement pour mars mais reporté très peu
fortuitement à mai), aura lieu le 18 et 19 mai dans la banlieue d'Ottawa et il
réunira autour du professeur de l'Université de Sacramento Alexandre Kimenyi
(Mobilisation) et de l'ingénieur de HydroQuébec Gratien Rudakubana (deux
coordinateurs sur quatre) une vingtaine de délégués venus de plusieurs villes
d'Amérique du Nord.
Nous avions donc à ce stade deux comités exécutifs pour un même parti. A
première vue les deux étaient sur un même pied puisque chacun était soutenu
par deux des coordinateurs initiaux, les deux déjà cités et l'ancien président de
l'Assemblée nationale du Rwanda Joseph Sebarenzi (Diplomatie) aux études
aux USA et le professeur Joseph Ngarambe (Information) résidant en France.
Mais en contactant les proches de l'aile qui avait approuvé le pacte avec le
FDLR et les royalistes de Nation Imbaga on a appris que la personne
nommée au poste de Trésorier Général du Comité Exécutif de l'ARENA pro-
GIHANGO présidé par Augustin Kamongi (résidant aux USA), M.-C. N.
résidant à Bruxelles et membre de la famille d'un supporter du FDLR - n'avait
jamais fait partie du parti Arena malgré qu'elle aurait été approchée par un
ancien professeur membre de la coordination de l'Arena originale et qu'elle
n'avait pas l'intention d'en être (elle aurait même exigé que son nom soit retiré
des documents, du site Web du parti, etc. ce sera fait le mardi 28 mai mais il
ne sera pas possible de rattraper les communiqués bombardés urbi et orbi).
La politique du fait accompli
Alors que l'aile de l'Arena pro-Gihango a rédigé une déclaration
exprimant ou confirmant son adhésion au pacte Gihango immédiatement
après son « congrès », chez un autre membre de la coalition à savoir les
royalistes de NATION IMBAGA y'INYABUTATU la politique du fait
accompli semble être passée comme lettre à la poste: Comme le précise très
honnêtement le communiqué du 14 avril, le commun des monarchistes a été
consulté le samedi 30 mars, c'est-à-dire 3 jours après la signature par son
Délégué Général, le docteur Joseph Ndahimana de la charte de l'Alliance pour
la Démocratie et la Réconciliation Nationale, ADRN-Igihango et la
nomination d'un des coordinateurs de NATION IMBAGA y'INYABUTATU,
ancien cadre du FPR puis journaliste, Déo Mushayidi comme porte parole
d'Igihango (celui-ci est aussi mentionné sur la couverture d'un petit
ouvrage - résumé de nombreux autres - « Les Secrets du Génocide
Rwandais, Enquête sur les mystères d'un Président » comme co-auteur avec
le journaliste Charles Onana mais de nombreuses erreurs certains exemples ci-
dessous - font douter quil y ait eu un co-auteur rwandais ou même que l'auteur
soit bien un journaliste d'investigation). Un autre membre de la coordination du
parti royaliste le Major (ex-FPR) et juriste Gérard Ntashamaje se serait
distancé du rapprochement avec le FDLR en le dénonçant publiquement,
d'autres sources disent qu'il aurait rejoint l'Alliance Démocratique Rwandaise
(parti ADR en exil) de l'ancien journaliste Sixbert Musangamfura et al (nous
apprendrons par la suite que l'essentiel des membres ordinaires et des membres
du comité du parti royaliste ont déserté ses rangs suite à cette alliance) . Il reste
encore à connaître ce que représentent ceux qui constituent la façade civile et
diplomatique du FDLR à savoir le docteur en économie Ignace
Murwanashyaka qui est le président des FDLR, l' ancien journaliste de l'Office
Rwandais de l'Information (ORINFOR) Jean-Marie Vianney Higiro (relations
extérieures) et le porte-parole du mouvement Alexis Nshimiyimana, ancien
animateur de Radio Rwanda. Il va sans dire que dans ce mouvement politico-
militaire héritier de l'ancien régime MRND, la démarche visant à s'attirer les
services de Tutsi pour se refaire une virginité n'a pas dû nécessiter de longues
et difficiles consultations préalables de la base.
Les pièces du puzzle s'accumulent et s'agencent parfaitement
En grattant la surface d'IGIHANGO on découvre qu'il s'agit plus d'une agence
de relations publiques ou d'un lobby pour le FDLR et contre le FPR que d'une
véritable alliance ou d'une coalition entre le FDLR et d'autres partis. L'initiative
a certainement des sponsors, Valens Kajeguhakwa étant le plus visible - la
pointe de l'iceberg - mais pas nécessairement le plus actif. Cet ancien ami de
Juvénal Habyarimana et - ensuite - ancien député et membre du comité central
du FPR expliquait que son différend avec le président Paul Kagame était dû,
notamment, à la publication de son autobiographie élogieuse (celle de Valens
Kajeguhakwa) « Rwanda, terre de paix, terre de sang et après? ».
Bizarrement l'ouvrage en question était en vente libre au Rwanda au moment
de sa parution en 2001!
Et le FPR dans tout ça ? Eh bien le parti au pouvoir aurait suivi de très près et
minute après minute, grâce à des agents envoyés expressément en Europe, les
tractations qui ont accouché du contrat entre le FDLR et ses conseillers en
communication. Ce n'est peut-être pas un hasard si l'affaire Gihango a été
bouclée fin mars, juste avant la semaine officielle de commémoration annuelle
du génocide. L'Arena aurait selon certains sources bien informées, dû être
vilipendée sur le lieu même des ré-inhumations dans la dignité des victimes du
génocide de 1994. Kigali n'a pas tenté de faire avorter le pacte du sang, que
du contraire: cette alliance était un moyen facile et puissant de ternir
l'opposition en général et l'image des transfuges du FPR tel que le professeur
Alexandre Kimenyi, l'ingénieur dIntel Jeff Nsengimana et al. en particulier. à
défaut de cela il a dû se contenter d'un parti ARENA divisé, dont les deux
« ailes » se contesteraient mutuellement la légitimité. Malheureusement ou
heureusement pour les uns ou les autres, les anti-GIHANGO menés par le
professeur Kimenyi ont décidé d'adopter le mot kinyarwanda AMAHORO
comme nom de leur parti opposé à la guerre et aux pactes de sang, il signifie la
PAIX. Des pacifistes rwandais? Ce serait une première.
AMAHORO, AMAHORO !
Placide Muhigana, 26 mai 2002