La police devrait concentrer son énergie sur la poursuite des assassins de Munyarubuga plutôt que sur l'intimidation des personnes dont elle ne partage pas les idées.
Alison Des Forges, conseillère à la Division Afrique de Human Rights Watch
Rwanda : un membre de l'opposition politique abattu, d'autres sont détenus
Human Rights Watch demande une investigation
(New York, 9 janvier 2002) Les autorités rwandaises devraient immédiatement enquêter sur le meurtre de Gratien Munyarubuga, l'un des fondateurs du mouvement d'opposition, le Parti Démocratique pour le Renouveau - Ubuyanja, et mettre fin au harcèlement d'autres membres de l'opposition et des représentants de la presse, selon Human Rights Watch aujourd'hui.
Depuis le meurtre de Munyarubuga le 26 décembre, les autorités ont retenu prisonnier et interrogé le Pasteur Bizimungu, ancien président du Rwanda et figure de proue du parti Ubuyanja ; un autre membre d'Ubuyanja ; trois individus associés à une faction du Mouvement Démocratique Républicain (MDR) présumé opposé au gouvernement actuel et un journaliste qui a rapporté ces événements.
"La police devrait concentrer son énergie sur la poursuite des assassins de Munyarubuga plutôt que sur l'intimidation des personnes dont elle ne partage pas les idées," a affirmé Alison Des Forges, Conseillère à la division Afrique de Human Rights Watch.
Munyarubuga, un chauffeur de taxi de 66 ans, a été tué par deux hommes qui étaient montés dans son taxi à titre de passagers. Selon des témoignages, des membres en uniforme de la Force Locale de Défense se trouvaient à proximité et ne sont pas parvenus à appréhender les meurtriers. Munyarubuga a été tué en début d'après-midi dans un quartier riche de la capitale Kigali. Selon certains témoignages, Munyarubuga avait été menacé de mort par la police le 10 décembre lorsqu'il s'était rendu au domicile de Bizimungu ainsi qu'ultérieurement, à plusieurs occasions.
La police aurait arrêté Catherine Mujawamariya, une autre fondatrice d'Ubuyanja, le 10 décembre. La police a également retenu prisonniers d'autres individus qui avaient cherché à rendre visite à Bizimungu ou les a empêchés de le voir. Bizimungu et le porte-parole du parti, Charles Ntakirutinka, se sont tous les deux vus retirer le droit de quitter la capitale.
Les autorités ont refusé a Bizimungu l'authorisation d'établir officiellement un nouveau parti politique au mois de juin dernier et l'ont empêché de publier un bref mémoire à la fin du mois de novembre.
Bizimungu et ses associés, qui ont été attaqués par des gangs de rue il y a quelques mois, ont encore été menacés récemment. D'autre opposants au gouvernement, dont l'ancien Président de l'Assemblée Nationale, Joseph Sebarenzi, ont dénoncé ces menaces. Sebarenzi, désormais exilé aux Etats-Unis, a demandé que soient protegés les membres du parti Ubuyanja dans une émission radiodiffusée par la Voix de l'Amérique deux jours avant le meurtre de Munyarubuga. Un groupe nommé le Mouvement pour la Paix, Démocratie et Développement, qui agirait clandestinement au Rwanda a fourni des détails sur le harcèlement subi par les membres du parti Ubujyana dans un rapport qui a circulé peu après la mort de Munyarubuga.
Les autorités ont également détenu Pierre Gakwandi, récemment élu secrétaire-général de l'une des factions du parti MDR, et interrogé d'autres membres du MDR dont l'ancien député Leonard Kavutse et un ancien ambassadeur.
Du 31 décembre au 3 janvier, la police a détenu Amiel Nkuliza, journaliste au journal Le Partisan, l'interrogeant sur les rapports qu'il a rédigés sur le meurtre de Munyarubuga et à propos du parti MDR. Au début de sa détention, il aurait été forcé à téléphoner à des amis afin de les rassurer pour qu'ils ne cherchent pas à le retrouver.
"Si les autorités ont des raisons de suspecter que tous ces individus ont commis des crimes, elles devraient les accuser officiellement. Si ce n'est pas le cas, elles devraient respecter leurs libertés d'opinion et d'expression garanties par le droit Rwandais et par le droit international," a affirmé Des Forges.