En avril 1994, l'existence de 18 partis avaient été officiellement reconnue (le FPR n'y figure pas du fait de sa composante armée. En attendant l'intégration de ses militaires dans la nouvelle armée rwandaise, il se considère comme une " organisation politique ". Ils peuvent être schématiquement regroupés autour de trois grandes " alliances "
1/ ARD, Alliance pour le renforcement de la démocratie (MRND, CDR1, PECO, PARERWA, PADER)
MRND, Mouvement républicain national pour la démocratie et le développement, ex-Mouvement révolutionnaire national pour le développement, parti unique de 1975 à 1991 (Président : Mathieu NGIRUMPATSE, Hutu, Kigali) (ré-agréé en juillet 1991)
CDR, Coalition pour la défense de la République et de la démocratie (23/3/1992) ( Président : Martin BUCYANA - Hutu, Cyangugu - assassiné à Butare le 23 février 1993, remplacé par Théoneste NAHIMANA, Hutu, Gisenyi).
Ces formations entretiennent des milices, respectivement :
Interahamwe (" ceux qui combattent ensemble "), (Président : Robert KAJUGA, Tutsi, Kibungo)
Impuzamugambi (" ceux qui ont le même but "), Président : SIMBIZI Stanislas, Hutu, Gisenyi
Ces deux structures de civils (créées pour la première en 1991 et pour la seconde en 1993) assuraient parmi la jeunesse les relais politiques des formations de la mouvance présidentielle. A partir de 1993, le rapprochement entre les partis de l'opposition dits " Power " et le MRND a abouti à des actions communes de " défense civile ". Au début de l'année 1994, dans certaines préfectures, différents groupes ont bénéficié d'un entrainement militaire organisé par des officiers de l'armée rwandaise et ont été armés.
De nombreuses formations politiques, souvent explicitement suscitées, contribuent à élargir l'assise politique de la mouvance présidentielle. Parmi elles, on, citera :
PECO, Parti écologique (30/11/1991)
PARERWA, Parti républicain du Rwanda (20/01/1992)
PADER, Parti démocratique rwandais (20/01/1992)
MFBP, Mouvement des femmes et du bas-peuple (31/12/1991)
PDI, Parti pour la démocratie islamique (30/11/1991) (branche Power)
PRD, Parti pour le renouveau démocratique (18/07/1992)2
Bien que n'appartenant pas à l'ARD, ces trois partis peuvent être considérés comme relevant de la mouvance présidentielle :
AKAZU
Enfin, il est indispensable de compléter cette présentation des organisations agréées, par quelques indications sur les structures informelles du pouvoir, et en particulier sur l'akazu.
Ce terme qui désignait dans le Rwanda ancien la " cour ", cercle des apparentés et des proches de la famille dirigeante, est apparu ouvertement en 1991 et sa description a été effectuée par Christophe MFIZI dans un document alors largement diffusé (intitulé " réseau Zéro ",)3. L'akazu regroupe des membres de l'élite militaire et civile principalement issus des communes Karago et Giciye. Ils constituent non seulement un réseau de pouvoir parallèle dans l'armée, le parti et l'admnistration mais aussi un groupe parasite du système économique et financier du pays. Les membres les plus influents sont Protais ZIGIRANYIRAZO (ex-préfet de Ruhengeri), le colonel Elie SAGATWA, Séraphin RWABUKUMBA, tous trois beaux-frères du président HABYARIMANA ; le colonel Laurent SERUBUGA (ancien chef d' état-major adjoint des FAR) ; Dr Séraphin BARARENGANA, frère du président ; Dr Charles NZABAGERAGEZA, cousin du président, ex-préfet de Ruhengeri ; Alphonse NTIRIVAMUNDA, beau-fils du président ; Joseph NZIRORERA, ancien ministre, député de Ruhengeri et secrétaire national du MRND, proche de la famille du président. Une place particulière doit être réservée à Noël MBONABARYI, député, parrain du président (décédé au début 1994).
On retrouve des membres de la famille présidentielle et des proches de l'akazu aussi bien à la Banque nationale du Rwanda (que le Gouverneur Jean Birara devra abandonner en 1993), à la Banque Continentale Africaine au Rwanda, à la Banque commerciale du Rwanda et à la Banque de Kigali. Il en va de même au niveau des offices nationaux (café) et du secteur de l'import-export : " La Centrale ", " la Rwandaise ", " Agrotec ", NAHV, etc...
2/ Comité de concertation :MDR, PSD, PL + PDC, PSR
MDR, Mouvement démocratique république (juillet 1991)
Le clivage du MDR en deux tendances organisées autour de Dismas NSENGIYAREMYE (premier vice-président) et de Faustin TWAGIRAMUNGU (président) résulte de la clause des accords d'Arusha prévoyant la nomination du Premier ministre avant leur signature. Le premier, occupant le poste depuis avril 1992, escomptait se succéder à lui-même. Cette rivalité entre les hommes et la division du parti qui s'est ensuivie ont été explicitement favorisées par l'action de l'aile extrémiste du MRND qui voulait faire payer à Dismas NSENGIYAREMYE son rôle moteur dans le processus de négociation ds accords d'Arusha. La quête d'appui auprès du MRND - et du FPR - par Faustin TWAGIRAMUNGU date du début 1993. Elle aboutit en juillet à l'éviction de à Dismas NSENGIYAREMYE, obligé de s'enfuir en Europe, et à la nomination d'Agathe UWILINGIYIMANA, alliée de Faustin TWAGIRAMUNGU, à la tête du gouvernement. Pour réaliser ce " coup d'Etat " au sein du MDR, Faustin TWAGIRAMUNGU usera de son titre de président du parti, il présentera ensuite sa propre candidature comme candidat désigné à la tête du GTBE avec l'appui des mêmes 4 partis. Il sera alors exclu du MDR, le 23 juillet, ainsi que 4 ministres, leurs directeurs de cabinet et conseillers. Le 26 juillet, un communiqué du FPR diffusé à Bruxelles ironisera en ces termes sur une rivalité dont il imagine tirer profit : " Pour une fois dans l'histoire de la cohabitation gouvernementale au Rwanda, un consensus a été trouvé entre les ministres issus du MRND et ceux des autres partis. C'était, dit-on, pour demander des comptes au Premier ministre pour s'être autoproclamé candidat à sa propre succession dans le futur gouvernement de transition. Chose surprenante quand on sait que le MRND ne s'est jamais associé aux autres forces pour exiger l'application du programme du gouvernement par le même Premier ministre ". Après son exclusion du MDR, le FPR appuiera activement Faustin TWAGIRAMUNGU. En effet, plus fondamentalement, hormis les chassés-croisés opportunistes des deux rivaux prenant appui alternativement sur les deux " mouvances " dominantes, les partisans d'une inversion d'alliance au profit du MRND gagnent du terrain au sein du MDR. Tirant les enseignements de la tentative de coup d'Etat au Burundi en octobre 1993, une tendance dit " Power " pilotée par Froduald KARAMIRA (Hutu, Gitarama) et Donat MUREGO (Hutu, Ruhengeri) va s'y affirmer. Dismas NSENGIYAREMYE la rejoindra après son retour au Rwanda en novembre 1993 en tentant sans succès de contrôler sa dérive ethnisante.
Jeunes démocrates républicains (Inkuba) (6/07/1992), responsable : Bernardin NDASHIMYE (Hutu, Gitarama)
PL, Parti libéral (juillet 1991), président : Justin MUGENZI (Hutu, Kibungo) ; Premier vice-président : Landoald NDASINGWA (Tutsi, Kigali). Au sein du PL, un clivage identique à celui du MDR s'est développé aboutissant à une véritable scission entre ses deux principaux dirigeants, scission recoupée sur le plan ethnique.
PSD, parti social-démocrate (juillet 1991), président : Frédéric NZAMURAMBAHO (Hutu, Gikongoro)
PDC, parti démocrate chrétien (juillet 1991) président : Jean Népomuscène NAYINZIRA (Hutu, Gisenyi)
PSR, Parti socialiste rwandais (18/08/1991), président : médard RUTIJANWA (Tutsi, Kigali), assassiné par la garde présidentielle.
3/ Partis indépendants : Parti démocrate, PPJR-RAMA RWANDA, RTD, UDPR
PD, Parti démocrate (07/03/1992)
PPJR-RAMA RWANDA, Parti progressiste de la jeunesse rwandaise
RTD, Rassemblement travailliste pour la démocratie (07/11/1991)
UDPR, Union démocratique du peuple rwandais
4/ FPR, Front patriotique rwandais
Fondateurs : Fred RWIGYEMA (Tutsi, Gitarama), ex-chef d'état-major de l'armée ougandaise puis vice-ministre de la Défense de l'Ouganda (décédé dans des conditions non élucidées au début octobre 1990 lors de l'attaque du FPR dans le nord du Rwanda) ; Paul KAGAME (commandant en chef de l'APR, Tutsi, Gitarama, ex-réfugié en Ouganda, ex-chef adjoint de la sureté de la NRA).
Bureau politique du FPR
Président : Alexis KANYARENGWE4 (Hutu, Ruhengeri)
1er vice-président : Patrick MAZIMPAKA (Tutsi, Kibungo, ex-réfugié au Canada)
2ème vice-président : Denis POLISI (Tutsi, Kibuye, ex-réfugié au Burundi)
Conseiller du président : Simon NTARE (Tutsi,//)
Secrétaire général : Théogène RUDASINGWA (Major) (Tutsi, ex-réfugié en Ouganda)
Comité central (en place jusqu'au mois de mars 1994 d'après les informations transmises par le FPR ; il n'a pas été possible de les actualiser ensuite).
Commissaire politique, propagande et mobilisation des masses : Gaspard NYIRINKINDI (Tutsi, ex-réfugié au Burundi)
Commissaire aux Affaires sociales, à la Condition Féminine et au Développement : Anne GAHONGAYIRE (Tutsi, ex-réfugiée en Ouganda)
Commissaire à la Jeunesse et à la Culture : Capitaine Frank TEGA (Tutsi, ex-réfugié en Ouganda, ancien de la NRA)
Commissaire aux Finances : Aloysie INYUMBA (Tutsi, Byumba, ex-réfugiée en Ouganda)
Commissaire à la Réhabilitation et à la Reconstruction : Dr Emile RWAMASIRABO (Tutsi, Butare, ex-réfugié en Belgique puis en Ouganda)
Commissaire à l'Information et à la Documentation : Wilson RUTAYISIRE (Major) (Tutsi, ex-réfugié en Ouganda, ancien de la NRA)
Commissaire à la Planification : Antoine MUGESERA (Tutsi, Butare)
Commissaire aux Réfugiés : Christine UMUTONI (Tutsi, ex-réfugiée en Ouganda)
Inspection : Alphonse FURUMA (Major) (Tutsi, //)
Prenant la suite de la RANU (Rwandese Alliance for National Unity) créée en 1979, le FPR a vu le jour en 1987 en Ouganda. Structuré autour des groupes de réfugiés tutsi installés en Ouganda et au Kénya, auxquels se sont rattachés progressivement des composantes provenant du Zaïre, du Burundi, de la Tanzanie et de l'intérieur du Rwanda, le FPR a accueilli en son sein divers opposants hutu, jeunes militants progressistes et anciens dignitaires en rupture avec le régime Habyarimana.
Source : " Les crises politiques au Bunrundi et au Rwanda ( 1993-1994) ", sous la direction de André Guichaoua
Université des Sciences et Technologies de Lille.(Diffusion KARTHALA).
1 A plusieurs reprises, la CDR fera entendre sa différence et se désolidarisera, au moins verbalement, de l'ARD. Le 27 mars 1993, en particulier, elle se démarquera du MRND dont le président, le général J. HABYARIMANA, avait approuvé le protocole d'accord d'Arusha.
2 Formation proche du MRND et de la tendance Power du MDR
3 lettre de démission du MRND de Christophe Mfizi adressée à son président, Juvénal Habryarimana (juillet-août 1992)
4 Né en 1936, cet ancien chef des services de Sécurité rwandais lors du coup d'Etat de 1973 a occupé les poste de ministre de l'Intérieur et de la Fonction publique de 1973 à 1980. Membre du Comité central du MRND (1975-1980), il était considéré comme le numéro 2 du régime jusqu'à son exil, en décembre 1980, après une " tentative de coup d'Etat " contre le président Habyarimana
http://www.assemblee-nat.fr/dossiers/rwanda/partis2.asp