Mardi 17 décembre 2002, 19h06
Accord de Pretoria: la RDC vers ses premières élections libres depuis 1960
PRETORIA (AFP) - L'accord de paix signé dans la nuit de lundi à mardi à
Pretoria doit mener la République démocratique du Congo (RDC), sous la
supervision d'un gouvernement d'unité nationale de transition, vers ses
premières élections générales depuis 1960.
Cet accord est censé mettre fin à l'une des guerres les plus meurtrières du
continent africain qui, en quatre ans, a fait 2.5 millions de morts, en majorité
des civils, et a impliqué au plus fort des affrontements un total de 7 pays.
La France et l'Afrique du sud ont immédiatement salué la signature de l'accord
et ont souligné l'importance de sa mise en oeuvre.
L'accord est "bien sûr très important pour le Congo", a estimé Mbeki, mais il
est également crucial "pour la paix et la stabilité" de l'Afrique centrale et de la
région des Grands Lacs, a affirmé le président sud-africain Thabo Mbeki à la
presse en marge du congrès de l'ANC (parti au pouvoir) à Stellenbosch (sud-ouest).
De son côté, la France a salué l'accord de paix et invite les parties à le mettre
en oeuvre "sans tarder", a déclaré mardi le porte-parole adjoint du ministère
français des Affaires Etrangères, Bernard Valéro.
Après dix jours de négociations, les parties en présence - gouvernement,
rébellion armée, opposition politique et société civile - ont défini un mécanisme
de partage du pouvoir pour une période de transition de deux ans pendant
laquelle Joseph Kabila conservera la présidence, assisté de quatre vice-
présidents issus des quatre grandes composantes des pourparlers.
Au terme de ces deux années, se tiendront les premières élections générales
depuis celles qui ont consacré l'indépendance du Congo belge en 1960.
Des représentants à Kinshasa des composantes signataires à Pretoria ont
diversement réagi mardi à cette signature.
"L'accord va permettre au processus de démocratisation dont l'élan a été brisé
par Kabila (père) de reprendre", a déclaré le secrétaire national de l'Union
pour la démocratie et le progrès social (UDPS - opposition), Joseph Kapika.
Franck Fikirini, combattant Maï-Maï (pro-gouvernemental) et écrivain, préfère
lui parler de "lueur d'espoir" (...) "On sait ce que valent les signatures et les
accords. Le doute n'est pas écarté, il faut attendre la concrétisation sur le
terrain", a-t-il commenté.
Même approche prudente de Joseph Nsinga Udjuu, ancien Premier ministre
du maréchal Mobutu. "Si cet accord peut réellement mettre fin à la guerre et
nous ramener la paix, on ne que s'en réjouir. Mais on n'a rien résolu sur le plan
de l'armée qui est pourtant la base de la stabilité en Afrique".
Les deux grands mouvements rebelles congolais - le Mouvement de libération
du Congo (MLC, soutenu par l'Ouganda) et le Rassemblement congolais pour
la démocratie (RDC, soutenu par le Rwanda) - ont quant à eux émis des
réserves mardi sur les conditions de sécurité à Kinshasa, siège des institutions
du futur gouvernement de transition.
Le texte de l'accord ne traite pas de la sécurisation de Kinshasa, et ne précise
pas, notamment, si les anciens rebelles entrés au gouvernement auraient le
droit d'être accompagnés de leurs propres militaires à Kinshasa.
Les chefs d'état-major du gouvernement de Kinshasa, du RCD et du MLC,
doivent se réunir pour mettre en place des mécanismes de sécurité satisfaisants
pour toutes les parties avant l'arrivée des futurs ministres à Kinshasa.
La formation politico-militaire du nord-est de la République démocratique du
Congo (RDC), le RCD-ML, signataire de l'accord de Pretoria, a quant à elle
annoncé mardi sa "décision de donner un coup d'accélérateur à la réunification
du Congo atomisé".
"Nous continuerons d'oeuvrer pour l'ouverture de l'espace aérien afin de
faciliter la libre circulation entre le grand Nord et la capitale Kinshasa, encore
faut-il que ceux qui, au Congo et dans la région des Grands Lacs, continuent
malgré des discours lénifiants, à parier sur le chaos, nous laissent faire", a
déclaré l'un des négociateurs, Lambert Mende.
La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho, ONG
basée à Dakar) a exprimé mardi sa satisfaction au sujet de l'accord et rend
"hommage aux acteurs du processus de paix pour avoir accepté de discuter et
de trouver une solution pacifique à ce conflit".
Des analystes en Afrique du sud rappellent l'importance de l'accord de
Pretoria mais soulignent cependant les difficultés de sa mise en application.
"Si le processus de négociations a été difficile, la réalisation concrète de
l'accord pourrait l'être encore davantage", a commenté lors de la signature de
l'accord le médiateur sud-africain, Sydney Mufamadi, ministre du Pouvoir
local.
"A mon sens, il s'agit du plus grand évènement intervenu en Afrique cette
année", a commenté Henry Boshoff, analyste de l'Institut pour les études de
sécurité de Pretoria.