Lettre ouverte aux « dirigeants » des familles politiques
FPR, MDR, PDC, PDU, PSD, PSR, UDPR
Mesdames, Messieurs,
Je prends la respectueuse liberté de venir auprès de vous afin
de vous signifier mes appréhensions quant au rétrécissement progressif de l'espace
démocratique au Rwanda constaté au cours de ces dernières années. J'estime que jai le
devoir civique comme n'importe quel autre citoyen rwandais « conscient », de dénoncer à
temps l'autoritarisme au Rwanda, au moment où tout le monde affirme que, c'est ce genre
de mauvaise gouvernance qui a conduit notre pays dans les différentes crises cycliques,
dont le paroxysme aura été atteint avec la réalisation du génocide perpétré par une partie
des rwandais contre une autre, en avril 1994. D'aucuns diront que c'est un suicide
(ou une folie) que je fais en posant cet acte (sans se rendre compte
qu'ils confirment mes appréhensions !!) et certains autres ne
manqueront pas de calquer ladite action sur une recherche de tapage publicitaire. Aux
uns comme aux autres, je dirai qu'ils sont loin de la vérité, même si je peux comprendre
que de longues années vécues dans la terreur, développent chez certains individus des
mécanismes de défense pouvant les conduire, au nom de la survie, à poser des actes
désavoués silencieusement par leur conscience.
Si je prends mon courage à deux mains pour ouvrir ce genre de débat, c'est d'abord
parce que je suis de ceux qui croient qu'un bon gouvernement, c'est celui qui privilégie
moins la paix que la liberté
de son peuple, c'est aussi parce que notre loi fondamentale qui protège la liberté d'expression me permet de croire qu'un Rwandais habitant le RWANDA et situé en dehors du Forum des partis et du Club des réfugiés
politiques peut tenter de raisonner sainement et de partager ses opinions aux autres, en
servant uniquement la PATRIE et sans être inquiété, c'est ensuite parce que le pouvoir en
place actuellement , affirme souvent qu'il est ouvert au débat pluriel et contradictoire et que je le crois, c'est enfin fondamentalement parce que pendant ce trimestre de deuil national, je me sens interpellé par la mémoire des braves combattants qui ont beaucoup lutté pour l'instauration de la JUSTICE et de la SOLIDARITE au RWANDA, je cite Monsieur Ignace RUTAHANA, Monsieur Fidèle KANYABUGOYI, Monsieur Cyprien RUGAMBA, Monsieur Pierre Claver KARENZI, Monsieur Calipophore GATERA et bien d'autres. Ils s'étaient refusés d'adhérer à un quelconque parti politique malgré les sollicitations multiples et isotropiques des différents .(une ligne de texte illisible). Ils sont partis (requiescat in pace) et nous sommes là. Pourquoi, sinon pour pouvoir prendre le témoin et les relayer en honorant ainsi une dette politico-morale envers eux ? Avec eux, on comprenait facilement et l'atmosphère politique était respirable. Sans eux, tout s'est assombri. Je vous écris donc pour solliciter de votre part un peu de lumière en ce qui concerne la compréhension de certains concepts politiques tels que : PARTIS, TRANSITION, LEADERS POLITIQUES, DEMOCRATIE, JUSTICE, SOLIDARITE, DEVELOPPEMENT, DROITS DE
L'HOMME, ETAT DE DROIT, etc.
Dans ce qui va suivre, je vais m'interroger en premier temps et avec vous sur les PARTIS POLITIQUES, LA TRANSITION POLITIQUE au RWANDA
et le PROFIL des CHEFS de « PARTIS » et je reviendrai sur les autres points d'ombre dans une correspondance ultérieure si Dieu le permet.
A. DES PARTIS POLITIQUES AU RWANDA
Les travaux combinés des chercheurs comme Max Weber, Tocqueville, Jean Charlot, Maurice DUVERGER et surtout Joseph La Palombara et Myron Weiner nous ont montré que pour qu'une association soit identifiée comme parti politique, il faut qu'elle remplisse concomitamment les
critères suivants :
1. Une organisation durable, dont l'espérance de vie est supérieure à celle de ses dirigeants en place. Ce critère différencie les partis avec de simples
clientèles, factions et camarillas qui, elles, disparaissent avec leurs fondateurs et
animateurs.
2. Une organisation bien établie, entretenant des rapports réguliers et variés à l'échelon national. Ce critère singularise le parti par rapport au simple groupe
parlementaire.
3. La volonté délibérée des dirigeants nationaux et locaux (de ladite organisation) de prendre et d'exercer le pouvoir, seul ou avec dautres. Ce critère
différencie les partis des groupes de pression qui, eux, n'existent que pour influencer le
pouvoir.
4. Le souci de rechercher le soutien populaire à travers les élections. Ce critère oppose
les partis aux clubs qui, sans vouloir entrer ouvertement dans le combat politique, jouent
souvent le rôle de « brain-trust » d'un leader ou de laboratoire d'idée d'un parti.
5. La capacité enfin, de concourir à la formation et à l'expression de la volonté politique. Ce critère précise bien les fonctions du parti qui sont de trois types :
former l'opinion, sélectionner les candidats et encadrer les élus. Après lecture de ces critères, pensez-vous que ce que vous prétendez diriger, chacun en ce qui le concerne, peut être identifié comme parti politique ? Croyez-vous qu'il y a une seule famille au RWANDA remplissant au moins un des cinq critères ci-haut mentionnés même s'il faut les réunir tous pour être qualifié de parti politique ? D'après vous, sommes-nous dans un système multipartisan, bipartisan, à parti dominant ou à parti unique ? Quelle idée vous faites-vous des Rwandais quand vous tentez de leur faire croire que par exemple le PSR ou l'UDPR sont des partis politiques au même titre que le PSD ou le FPR ? Que pouvez-vous dire de l'assertion qui affirme qu'actuellement, le renforcement des partis en programmes et moyens transforme ce dernier en COMITE CENTRAL D'UN PARTI UNIFIE avec des sections du genre DEMOCRATIE et REPUBLIQUE, DEMOCRATIE SOCIALE, DEMOCRATIE LIBERALE, UNION POPULAIRE, etc ? A votre avis, y a-t-il des moyens autres que le multipartisme réel, qui nous permettrait d'endiguer une nouvelle crise éventuelle pouvant générer des débordements de toutes sortes ? Vous arrive-t-il d'avoir le courage de traiter avec objectivité ces questions ? Sinon, vous rendez-vous compte alors que vous êtes entrain de d'hypothéquer l'avenir dun peuple qui, sorti des affres du GENOCIDE, vous a cru et a adhéré béatement à votre discours ? Et « l'histoire » ? Pensez-vous quelle pourra vous ménager lorsqu'elle devra prononcer son verdict ? Et si par malheur « le pouvoir personnel » que vous êtes entrain d'instaurer nous conduisait dans des malheurs presque similaires à ceux que nous avons traversés, auriez-vous le courage de ne pas vous cacher dans la quatrième catégorie et vous afficher vous-mêmes dans la catégorie n°1 (souvenez-vous que la catégorisation des responsabilités est de votre génie !) Le troisième critère précise que pour qu'une association soit qualifiée de parti politique, il faut que ses dirigeants soient animés d'une volonté délibérée de prendre et d'exercer le pouvoir. Comment interprétez-vous cela ? Pensez-vous que la lecture machiavélique de la politique est la seule possible ? Ceux qui ont lu le PRINCE de MACHIAVEL se souviennent-ils de la récompense que César Borgia réserva à Messire Rémy d'Orque, et qui fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide ? Non, faites-moi réellement comprendre ce que vous entendez par PARTIS POLITIQUES et ce que vous attendez d'eux ! Si vous ne savez pas cerner la dimension réelle d'un parti politique, alors dites-vous bien que vous êtes entrain de nous enfoncer profondément dans une crise anomique, l'anomie étant l'indicateur d'une société sans structures, sans normes et sans préceptes de comportement de sorte que l'individu ne sait comment orienter sa conduite ! Toujours à propos de l'anomie, je me dois de vous rappeler que son corollaire est l'émergence de « montreurs de conduite » et d'agents charismatiques que vous semblez pourtant tant redouter. Ese mwebwe bayobozi b'amashyaka, iyo mubuza abayoboke b'amashyaka yanyu kubagira inama muvuga ngo : « NIMUSIGEHO BATATUMENA » ubwo muba muvuga neza ubutegetsi murimo ? Ese iyo mvugo yo kumena mwumva iba idashinja ubutegetsi kandi wenda atari byo ? Ese uko mubizi ibyadutse byo « GUTESHA ABAYOBOKE UMURONGO » ni imyitwarire iranga ingoma zimeze zite ? Harya uko mubizi hari ishyaka rigizwe n'umuntu umwe cyangwa agatsiko gafite ibyo kumvikanaho ribaho ? Oya nimusigeho ! ! !
B. DE LA TRANSITION POLITIQUE AU RWANDA
Politiquement et dans le cas concret du RWANDA, la transition a été perçue comme un espace temporaire qui devait permettre le passage sans heurts d'un Etat TOTALITAIRE à un ETAT de DROIT. S'il est vrai qu'un ETAT de DROIT ne peut être installé du jour au lendemain, il n'est pas moins vrai que la grande appréhension qui habite souterrainement les pudiques non dits des Rwandais est de savoir si un jour leur patrie deviendra enfin un ETAT du DROIT qui serait plus juste qu'un ETAT de DROIT. Cette appréhension est apparemment fondée sur les interrogations suivantes pour lesquelles les abaturage ne trouvent pas de réponse et que je vous prie de m'aider à élucider. a) Le transition telle que pensée et proposée à Arusha a-t-elle jamais été commencée ? Si elle a commencé, peut-on savoir quand et comment ? Peut-on aussi savoir quand et comment elle pourra se terminer ? Quels sont les mécanismes de suivi et d'évaluation de la réalisation de la transition, qui devraient nous prémunir, contre « l'artisanat » politique et nous épargner de voir la prorogation d'échéance de la période susmentionnée se faire selon la simple volonté de quelques dirigeants, alors que ça devrait être une affaire d'Etat ? Peut-on savoir si ce qui était Gouvernement de Transition à Base Elargie (GTBE) est devenu Gouvernement dUnion Nationale ? Si l'union nationale peut être considérée comme un leitmotiv contenant le message de tout un programme, pourquoi alors l'Assemblée Nationale de Transition na-t-elle pas été appelée également Assemblée Nationale d'Union Nationale ? Ne pensez-vous pas que ceci aurait le mérite de « gommer » la transition, de privilégier la COHERENCE et d'expliquer le mode d'agissement consensuel que l'ANT a actuellement adopté contrairement à la loi fondamentale ? Puisquon parle de l'Assemblée Nationale de Transition, peut-on savoir à qui rendent compte les honorables membres de
cette auguste institution ? A leurs propres partis politiques qui sont pressentis comme
étant leur « réelle » circonscription ? Non, parce que tout montre qu'ils échappent au
contrôle des pseudo-dirigeants de partis politiques. A qui alors ? Au FORUM ? Au Président de la République ? Au peuple ? A qui réellement ? Doit-on les observer avec impuissance, enfreindre avec persistance la loi fondamentale et les autres lois kandi binyuranije n'indahiro yabo ? Kubirebera utagize icyo ubivugaho ntibwaba ari bumwe mu buryo bwo kwimakaza ingeso yo kudahana ? Nimutiga kubivuga mu nzibacyuho se ni ryari muzabivuga ?Ese abo BADEPITE bubumwe ko badatinyuka gutumiza Perezida wa Repuburika (cyangwa se minisitri wingabo) kugira ngo asobanurire abaturage iby'intambara ibugarije, bategereje ko yibwiriza ? Ese aho ntibaba ari abadepite ba Perezida kurusha uko ari abadepite bamashyaka cyangwa kurusha uko ari abadepite babaturage ? Ari byo se ubwo twaba turi mu nzibacyuho koko cyangwa ibintu byaba byarakomereje aho byari bigeze ? b) Certains auteurs (W.A LEWIS) affirment que le parti unique marque l'aboutissement d'une évolution qui part du multipartisme, passe par le bipartisme inégalitaire pour arriver au parti unifié, dernière étape avant la parti unique. Les raisons avancées pour l'évolution vers le parti unique sont partout les mêmes et sont sous-tendues par trois arguments principaux à savoir : l'intégration nationale, la modernisation économique et l'homogénéité sociale ! Ne pensez-vous pas que ce cliché fait actuellement autorité au Rwanda ? Autrement dit, ne croyez-vous pas que vous confondez sciemment TRANSITION et L'EVOLUTION précitée ? Na-t-on pas l'impression que lors des négociations, certains ont accepté la transition en la concevant comme un conclave dans lequel ils allaient fondre toutes les conventions (Accords de paix et autres) pour les verser dans un moule étudié afin de produire à la sortie un pouvoir « sur mesure et sans partage » ?
c) Au milieu des années 50, Carl Friedrich a caractérisé le totalitarisme par six traits
fondamentaux et la lecture de Z. Brzezinski, et D. Colas permet de les compléter avec
quatre autres. Nous pouvons donc dire que le totalitarisme qui est synonyme de
dictature se définit par la réunion de dix critères suivants qui doivent tous être présents
pour que la notion soit appliquée avec validité.
1. Une idéologie officielle constituée d'une doctrine officielle couvrant tous les aspects vitaux de lexistence humaine et à laquelle tous ceux qui vivent dans la société sont supposés adhérer, au moins passivement.
2. Un parti de masse unique comprenant un nombre relativement faible de la population totale (pas plus de 10%) dhommes et de femmes dévoués avec passion et sans réticence à lidéologie et cherchant par tous moyens à promouvoir son acceptation généralisée. Un pareil parti est organisé sur un mode strictement hiérarchique et oligarchique.
3. Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir sur tous les moyens de combat armé effectif. Ce monopole est entre les mains du parti et de ses cadres, cest-à-dire soit de la bureaucratie, soit des forces armées. 4. Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir sur tous les moyens effectifs de communication. Il est lui aussi dans les mains du parti. 5. Un quasi monopole des moyens de production et de léconomie dans son ensemble qui obéit à une planification centralisée. 6. Un système de pouvoir policier terroriste, sappuyant sur les monopoles de la violence et des moyens de communication, qui nest pas seulement dirigé contre des « ennemis » du régime mais aussi contre des catégories arbitrairement sélectionnées de populations.
7. Le passage des catégories de la guerre à celle de lhygiène sociale consistant à stigmatiser certains groupes comme nuisibles, parasitaires et quelques fois
assimilés à des insectes dont la dangerosité ne tient pas à une volonté malveillante mais à
une malfaisance naturelle. Ici apparaît la naturalisation du social qui est très voisine et
pire que le racisme.
8. La fusion du parti-Etat et de la société civile qui consiste à voir les cadres du
Parti-Etat envahir (ou récupérer) la direction des groupes dintérêts (organisation
professionnelle, syndicats ouvriers, groupements féminins, associations à revendications
paysannes, etc) et celles des groupes didées (groupements idéologiques et
confessionnels, groupements de condition, société de pensée et les clubs).
9. A condamnation de la moindre espace de liberté dans la famille, la société civile ou lEtat. Le parti veut tout savoir sur tout et partout.
10. Le projet de construire une société régulée par une idéologie unique, commandée
par un parti-Etat unique, visant à produire une société unifiée où les divergences et la
compétition ne sont point tolérables et qui finit par échouer soit part lapparition dune
caste bureaucratique elle-même clivée en groupes rivaux, soit sur la répression de masse,
soit sur la faillite économique.
En comparant la situation politique qui prévaut actuellement dans notre pays et celle qui prévalait avant avril 1994 à cette grille de définition de la dictature, y a-t-il lun ou lautre critère qui nétait pas rempli avant 1994 ? Y en a-t-il un seul qui ne soit pas rempli actuellement ? Pouvez-vous vous appuyer sur la réponse à cette dernière question pour déterminer si oui ou non on est dans un régime totalitaire ? Au cas où il apparaîtrait quon est aujourdhui dans un régime totalitaire, pensez-vous quil soit honnête d'affirmer quil y ait eu transition ? Si quelquun persiste à nous faire croire quil y a transition, cette honorable personne pourrait-elle nous dire le seul critère que vous, dirigeants de familles politiques, avez tenté de corriger ces six dernières années ?
Ne croyez-vous pas que la transition devrait prendre effet à partir de l'instant où un parti manifesterait la volonté de rectifier lun quelconque des dix critères ci-haut mentionnés, et quelle (la transition) devrait prendre fin dès lors que la rectification dudit critère serait entièrement réalisée. Puisque le dixième critère nous renseigne que le projet de construire une société régulée par une idéologie unique commandée par un parti unique finit toujours par échouer (les exemples font légion), pensez-vous quil soit réellement intelligent de cautionner ce genre de projet ? Est-ce que la cécité politique ne serait pas entrain de vous amener à vous comporter comme les pauvres paysans de lhistorique camionnette du Docteur GASARASI ? Si vous deviez faire une étude comparée du comportement des trois régimes (MDR, MRND, FPR) sur les cinq premières années de leurs règnes respectifs (63-68, 74-79, 95-00), dans lequel de ces régimes
retrouveriez-vous les éléments suivants : 1° la récupération du pouvoir par les armes
avec éventuellement la logistique dun pays étranger, 2° labsence dun projet de société, 3°
linstallation dun président virtuel et intérimaire, 4° le phagocytage des autres partis
politiques, 5° le discrédit interne de certains leaders charismatiques (gutesha umurongo)
et 6° linstauration dune monarchie pseudo-républicaine. ?
Pensez-vous que les similarités que lon pourrait constater ne seraient pas trop alarmantes ? Qui, du PARMEHUTU et du FPR emprunte à lautre les méthodes de gouvernance ? Doit-on penser quils ont toujours consulté les mêmes bureaux détude sans le savoir ? Ou que notre culture contient des germes bloquants qui enlèvent à nos analystes politiques la
capacité de se soustraire à toutes les représentations tant individuelles que collectives ?
Ne pensez-vous pas que si la transition pouvait servir dabord à combattre les préjugés,
elle sauverait la nation rwandaise et permettrait daccéder un jour à un ETAT du DROIT,
REEL ?
C. DU PROFIL DES CHEFS DES PARTIS
Lors de lavènement du multipartisme dans notre pays, nous avons assisté à lémergence de toutes sortes de partis politiques. On a vu naître des partis de cadres (PSD, PL), des partis de masse quon appelle aussi révolutionnaires-centralisateurs (FPR, MDR, MRND) et des partis pragmatiques-pluralistes (les autres) quon appellera plus tard partis satellitaires. Les deux premiers types de partis donnaient limpression dêtre
fortement structurés et avaient à leur tête des équipes dirigeantes apparemment
compétentes et bien soudées. Malheureusement pour et par opportunisme, elles devront imploser les unes à la veille de la réalisation du génocide en 1994, les autres plus tard. Par la suite, on a vu apparaître à la tête des partis, le club de Byumba. A lexception dune ou deux personnes, aucun autre membre du club de BYUMBA ne remplissait les conditions de leader, mais malheureusement, ce sont ces derniers qui récupéreront les directions de Partis. Personnellement, je nai pas compris et je ne comprends pas pourquoi le FPR na pas pris en ce temps ses responsabilités. Plus loin, la brèche étant ouverte, on verra s'infiltrer des HUTU de service, des RESCAPES de service et enfin des RAPATRIES de service. Ces amalgames, placés à la tête de ce qui devait sappeler partis politiques et affaiblis par lhétérogénéité de leurs composantes, vont tenter de se renforcer en trouvant refuge dans ce quon a appelé FORUM DES PARTIS, ce dernier faisant penser à un organe dexécution dun parti unifié (dernière étape vers le parti unique où les partis
dopposition se trouvent éliminés soit par exclusion, soit par coalition ou soit par
absorption et où les différents partis rescapés décident de sunifier sous légide dun plus
puissant) (A. LEWIS). A ce niveau donc, il ny a que des silhouettes des dirigeants,
commis dun certain Charles ! ! Pour poursuivre, on peut encore relever que lesdits dirigeants des « so called political parties », membres du FORUM, ont tous en commun la caractéristique de sêtre AUTOPROCLAMES. Néanmoins, j'estime personnellement que ce nest pas le plus grave car, non contents de s'être autoproclamés, ils poussèrent loutrecuidance jusquà se substituer entièrement aux adhérents et tentèrent dassurer leur arrière-base en utilisant lappareil de lEtat comme instrument de prédation qui devait
leur permettre daccumuler les richesses. Dans leur entendement, cette accumulation doit générer un pouvoir coercitif nécessaire à la défense de la situation acquise. Des fragments de ce pouvoir seront même utilisés pour créer des transfuges de tous bords et favoriser le renforcement du Forum, cadre informel, illégitime et illégal, qui viendra même surclasser les institutions de l'Etat légalement reconnues. LEtat prédateur étant confirmé, la mentalité du gain facile sinstalle, le système clientéliste fonctionne à merveille et la dégradation politique est à son comble à telle enseigne quon verra de pseudo nyangamugayo recourir au mensonge pour aboutir à des fins non avoués (ici, les honorables Tito RUTAREMARA et Médard RUTIJANWA voudront m'excuser mais je pense qu'ils sont de ceux qui ne devraient pas tenter de faire objection). Subséquemment, nos chers dirigeants de « partis » vont se sentir investis à tort, du pouvoir de faire et défaire à volonté les carrières politiques de ceux qui nauront pas voulu que lon privilégie la cléptocratie (kuva inda irya) au détriment de la fraternité (kuva inda imwe). Ils se permettront même de commettre des erreurs politiques au nom de « leurs abayoboke » (comprenez que atari abayoboke bishyaka). Pour illustrer cela, je voudrais chers compatriotes vous rappeler quelques unes de ces erreurs politiques qui vous incombent (à vous et non aux partis) et qui sont inhérentes aux derniers événements politiques qui viennent de se produire dans le pays, car cela est
encore présent dans nos mémoires. 1° Vous voudrez mexcuser et me permettre daffirmer que vous navez pas consulté vos bases (si petites soient-elles), et que vous avez de votre propre initiative posé lacte de soutien au candidat Président , cela dans une logique partitocratique (la partitocratie veut que les dirigeants des partis récupèrent la souveraineté des adhérents et l'exploitent pour se partager entre eux le pouvoir et lavoir national, sans plus). Ce faisant vous avez instauré sciemment une monarchie absolue (au sens radical du terme mais non pas nécessairement négatif) dans laquelle le monarque sappelle PRESIDENT de la REPUBLIQUE et où le club dABIRU nest rien dautre que le FORUM des PARTIS, sans imaginer un seul instant que des observateurs malveillants pouvaient insinuer que ce qui se fait depuis une année au Rwanda nest quun montage savant pour réaliser un coup dEtat Civil. La démarche préalablement proposée est inversée (quel brusque renversement de sens et de direction). Plus rien ne vient den bas, il ny a plus déchange mais allocation, qui suppose un double mouvement, mais à projection. La lumière ne vient plus den haut. Le miroir déformant est en place et un groupe de pseudo-penseurs peut se contempler de manière auto-satisfaite en croyant représenter un peuple qui ne sent concerné quen tant quauditeur, disciple ou témoin. Tant pis alors si la culture de sujétion semble se réinstaller au détriment de la culture de
participation dont pourtant vous ne cessez de faire éloge dans vos discours ! Ainsi
aurez-vous aidé à renforcer la réinstallation de la dictature. 2° Sans vouloir me substituer aux comités directeurs des « partis politiques », je pense, et vous pourrez me corriger si je me trompe, que lors de la présentation des candidats Présidents la loi fondamentale a été bafouée en plusieurs endroits, mais je ne parlerai ici que dun cas banal de courtoisie outrancière frisant lingérence. En effet, si on admet que le Général Major Paul KAGAME fut le candidat des partis politiques (MDR, PL, PDC, PDI, PSD, PSR, UDPR), le FPR naura présenté quun seul candidat, à savoir Charles MULIGANDE. Or, cette procédure nétant prévue par aucune loi, on peut penser que le FPR a incidemment présenté le Général Major Paul KAGAME sur sollicitation des autres partis politiques, ladite sollicitation devant être perçue comme une coercition ou, à la limite, comme une interférence des autres partis dans les affaires du FPR. Dans ce cas d'espèce, la jurisprudence devait faire autorité et la procédure de présentation des candidats recommencée. Navez-vous pas encore en mémoire le cas MAKUBA lors de sa présentation comme candidat du PSD à la Présidence de lAssemblée (ce nest pas loin de la Présidence de la République) ? Une action des partis, similaire à ce quon vient de citer plus haut fut posée, taxée dingérence et condamnée. La procédure fut recommencée. A mon avis, le cas devrait faire jurisprudence. A moins alors que le dernier schéma fut fait sous instigation du FPR, auquel cas on pourrait parler de MANIPULATION. Dans lun ou lautre scénario, la loi fondamentale serait bafouée, ou dans sa lettre, ou alors
dans son esprit. 3° Afin avec tout le respect que je vous dois, je peux me permettre de vous faire remarquer que votre récent positionnement accuse un défaut de prospective. En effet, quiconque observe le paysage politique rwandais depuis une année peut affirmer sans ambages quil y a une crise sans précédent dans les annales politiques tant nationales quinternationales car on observe pour la première fois une panne générale et simultanée des institutions. Dans une intervalle ne dépassant pas six mois, on a vu tomber le Président de la Cour Suprême, le Président de lassemblée Nationale, le Premier Ministre et le Président de la République. Au lieu de chercher à connaître les causes de ladite crise, de les comparer avec celles des crises précédentes (le colloque de BAMAKO aurait été ici dune grande utilité puisque Messieurs Charles MULIGANDE, Tito RUTAREMARA et Stanley SAFARI y étaient et sont membres influents du FORUM), den étudier les incidences possibles sur
notre société, et den chercher les remèdes et les effets seconds pour pouvoir endiguer à
temps la crise qui couve, et installer des instruments de prévention pour les crises
éventuelles à venir, vous vous êtes précipités pour appliquer la loi du clou qui en chasse
lautre (ngo nayo ihita ifatwa mu rubaho) sachant pertinemment que cela ne résolvait en
rien le problème.
(Jean Mbanda, 1er Juin 2000)
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