Rwanda Rugali
Jean Mbanda avant la prison

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Avant d'être jeté en prison en juin 2000, l'ancien député Jean Mbanda a osé écrire... ce qui suit.

Lettre ouverte aux « dirigeants » des familles politiques

FPR, MDR, PDC, PDU, PSD, PSR, UDPR

 

Mesdames, Messieurs,

 

Je prends la respectueuse liberté de venir auprès de vous afin

de vous signifier mes appréhensions quant au rétrécissement progressif de l'espace

démocratique au Rwanda constaté au cours de ces dernières années.  J'estime que jai le

devoir civique comme n'importe quel autre citoyen rwandais « conscient », de dénoncer à

temps l'autoritarisme au Rwanda, au moment où tout le monde affirme que, c'est ce genre

de mauvaise gouvernance qui a conduit notre pays dans les différentes crises cycliques,

dont le paroxysme aura été atteint avec la réalisation du génocide perpétré par une partie

des rwandais contre une autre, en avril 1994.  D'aucuns diront que c'est un suicide

(ou une folie) que je fais en posant cet acte (sans se rendre compte

qu'ils confirment mes appréhensions !!) et certains autres ne

manqueront pas de calquer ladite action sur une recherche de tapage publicitaire.  Aux

uns comme aux autres, je dirai qu'ils sont loin de la vérité, même si je peux comprendre

que de  longues années vécues dans la terreur, développent chez certains individus des

mécanismes de défense pouvant les conduire, au nom de la survie, à poser des actes

désavoués silencieusement par leur conscience.

Si je prends mon courage à deux mains pour ouvrir ce genre de débat, c'est d'abord

parce que je suis de ceux qui croient qu'un bon gouvernement, c'est celui qui privilégie

moins la paix que la liberté

de son peuple, c'est aussi parce que notre loi fondamentale qui
protège la liberté d'expression me permet de croire qu'un Rwandais
habitant le RWANDA et situé en dehors du Forum des partis  et du Club des réfugiés

politiques peut tenter de raisonner sainement et de partager ses opinions aux autres, en

servant uniquement la PATRIE et sans être inquiété, c'est ensuite parce que le pouvoir en

place actuellement , affirme souvent qu'il est ouvert au débat pluriel et
contradictoire et que je le crois, c'est enfin fondamentalement  parce
que pendant ce trimestre de deuil national, je me sens interpellé par
la mémoire des braves combattants qui ont beaucoup lutté pour
l'instauration de la JUSTICE et de la SOLIDARITE au RWANDA, je cite
Monsieur Ignace RUTAHANA, Monsieur Fidèle KANYABUGOYI, Monsieur
Cyprien RUGAMBA, Monsieur Pierre Claver KARENZI, Monsieur Calipophore
GATERA et bien d'autres.  Ils s'étaient refusés d'adhérer à un
quelconque parti politique malgré les sollicitations multiples et
isotropiques des différents .(une ligne de texte illisible). 
Ils sont partis (requiescat in pace) et nous sommes là.  Pourquoi, 
sinon pour pouvoir prendre le témoin et les relayer en honorant ainsi
une dette politico-morale envers eux ?  Avec eux, on comprenait
facilement et l'atmosphère politique était respirable.  Sans eux, tout
s'est assombri.  Je vous écris donc pour solliciter de votre part un
peu de lumière en ce qui concerne la compréhension de certains
concepts politiques tels que : PARTIS, TRANSITION, LEADERS POLITIQUES,
DEMOCRATIE, JUSTICE, SOLIDARITE, DEVELOPPEMENT, DROITS DE

L'HOMME, ETAT DE DROIT, etc.

Dans ce qui va suivre, je vais m'interroger  en premier temps  et avec
vous sur les PARTIS POLITIQUES, LA TRANSITION POLITIQUE au RWANDA

et le PROFIL des CHEFS de « PARTIS » et je reviendrai sur les autres
points d'ombre dans une correspondance ultérieure si Dieu le permet.

 

A. DES PARTIS POLITIQUES AU RWANDA

 
Les travaux combinés des chercheurs comme Max Weber, Tocqueville, Jean
Charlot, Maurice DUVERGER et surtout Joseph La Palombara et Myron
Weiner nous ont montré que pour qu'une association soit identifiée
comme parti politique, il faut qu'elle remplisse concomitamment les

critères suivants :

1.  Une organisation durable, dont l'espérance de vie est supérieure à
celle de ses dirigeants en place.  Ce critère différencie les partis avec de simples

clientèles, factions et camarillas qui, elles, disparaissent avec leurs fondateurs et

animateurs.

2.  Une organisation bien établie, entretenant des rapports réguliers et
variés à l'échelon national.  Ce critère singularise le parti par rapport au simple groupe

parlementaire.

3.  La volonté délibérée des dirigeants nationaux et locaux  (de ladite
organisation) de prendre et d'exercer le pouvoir, seul ou avec dautres.  Ce critère

différencie les partis des groupes de pression qui, eux, n'existent que pour influencer le

pouvoir.

4.  Le souci de rechercher le soutien populaire à travers les élections.  Ce critère oppose

les partis aux clubs qui, sans vouloir entrer ouvertement dans le combat politique, jouent

souvent le rôle de « brain-trust » d'un leader ou de laboratoire d'idée d'un parti.

5.  La capacité enfin, de concourir à la formation et à l'expression de
la volonté politique.  Ce critère précise bien les fonctions du parti qui sont de trois types : 

 

former l'opinion, sélectionner les candidats et encadrer les élus.
Après lecture de ces critères, pensez-vous que ce que
vous prétendez diriger, chacun en ce qui le concerne, peut être
identifié comme parti politique ?  Croyez-vous qu'il y a une seule
famille au RWANDA remplissant au moins un des cinq critères ci-haut
mentionnés même s'il faut les réunir tous pour être qualifié de parti
politique ?  D'après vous, sommes-nous dans un système multipartisan,
bipartisan, à parti dominant ou à parti unique ?  Quelle idée vous
faites-vous des Rwandais quand vous tentez de leur faire croire que
par exemple le PSR ou l'UDPR sont des partis politiques au même titre
que le PSD ou le FPR ?
Que pouvez-vous dire de l'assertion qui affirme 
qu'actuellement, le renforcement des partis en programmes et moyens 
transforme ce dernier en COMITE CENTRAL D'UN PARTI UNIFIE avec des
sections du genre DEMOCRATIE et REPUBLIQUE, DEMOCRATIE SOCIALE,
DEMOCRATIE LIBERALE, UNION POPULAIRE, etc ?
A votre avis, y a-t-il des moyens autres que le
multipartisme réel, qui nous permettrait d'endiguer une nouvelle crise
éventuelle pouvant générer des débordements de toutes sortes ?  Vous
arrive-t-il d'avoir le courage de traiter avec objectivité ces
questions ?  Sinon, vous rendez-vous compte alors que vous êtes
entrain de d'hypothéquer l'avenir dun peuple qui, sorti des affres du
GENOCIDE, vous a cru et a adhéré béatement à votre discours ?  Et «
l'histoire » ?  Pensez-vous quelle pourra vous ménager lorsqu'elle
devra prononcer son verdict ?  Et si par malheur « le pouvoir
personnel » que vous êtes entrain d'instaurer nous conduisait dans des
malheurs presque similaires à ceux que nous avons traversés,
auriez-vous le courage de ne pas vous cacher dans la quatrième
catégorie et vous afficher vous-mêmes dans la catégorie n°1
(souvenez-vous que la catégorisation des responsabilités est de votre
génie !)
Le troisième critère précise que pour qu'une
association soit qualifiée de parti politique, il faut que ses
dirigeants soient animés d'une volonté délibérée de prendre et
d'exercer le pouvoir.  Comment interprétez-vous cela ?  Pensez-vous
que la lecture machiavélique de la politique est la seule  possible ?
Ceux qui ont lu  le PRINCE de MACHIAVEL se souviennent-ils de la
récompense que César Borgia réserva à Messire Rémy d'Orque, et qui
fit tout le peuple demeurer en même temps satisfait et stupide ? 
Non, faites-moi réellement comprendre ce que vous entendez par PARTIS
POLITIQUES et ce que vous attendez d'eux !  Si vous ne savez pas
cerner la dimension réelle d'un parti politique, alors dites-vous bien
que vous êtes entrain de nous enfoncer profondément dans une crise
anomique, l'anomie étant l'indicateur d'une société sans structures,
sans normes et sans préceptes de comportement de sorte que l'individu
ne sait comment orienter sa conduite !  Toujours à propos de l'anomie,
je me dois de vous rappeler que son corollaire est l'émergence de «
montreurs de conduite » et d'agents charismatiques que vous semblez
pourtant tant redouter.  Ese mwebwe bayobozi b'amashyaka, iyo mubuza
abayoboke b'amashyaka yanyu kubagira inama muvuga ngo :  « NIMUSIGEHO
BATATUMENA » ubwo muba muvuga neza ubutegetsi murimo ?  Ese iyo mvugo
yo kumena mwumva iba idashinja ubutegetsi kandi wenda atari byo ?  Ese
uko mubizi ibyadutse byo « GUTESHA ABAYOBOKE UMURONGO » ni imyitwarire
iranga ingoma zimeze zite ?  Harya uko mubizi hari ishyaka rigizwe
n'umuntu umwe cyangwa agatsiko gafite ibyo kumvikanaho ribaho ?  Oya
nimusigeho ! ! !

 

B. DE LA TRANSITION POLITIQUE AU RWANDA

 

Politiquement et dans le cas concret du RWANDA, la
transition a été perçue comme un espace temporaire qui devait
permettre le passage sans heurts d'un Etat TOTALITAIRE à un ETAT de
DROIT.  S'il est vrai qu'un ETAT de DROIT ne peut être installé du
jour au lendemain, il n'est pas moins vrai que  la grande appréhension
qui habite souterrainement les pudiques non dits des Rwandais est de
savoir si un jour leur patrie deviendra enfin un ETAT du DROIT qui
serait plus juste qu'un ETAT de DROIT.
Cette appréhension est apparemment fondée sur les
interrogations suivantes pour lesquelles les abaturage ne trouvent pas
de réponse et que je vous prie de m'aider à élucider.
a)  Le transition telle que pensée et proposée à Arusha a-t-elle jamais
été commencée ?  Si elle a commencé, peut-on savoir quand et comment ?
Peut-on aussi savoir quand et comment elle pourra se terminer ? 
Quels sont les mécanismes de suivi et d'évaluation de la réalisation
de la transition, qui devraient nous prémunir, contre «
l'artisanat » politique et nous épargner de voir la prorogation
d'échéance de la période susmentionnée se faire selon la simple
volonté de quelques dirigeants, alors que ça devrait être une affaire
d'Etat ?  Peut-on savoir si ce qui était Gouvernement de Transition à
Base Elargie (GTBE) est devenu Gouvernement dUnion Nationale ?  Si
l'union nationale peut être considérée comme un leitmotiv contenant le
message de tout un programme, pourquoi alors l'Assemblée Nationale de
Transition na-t-elle pas été appelée également Assemblée Nationale
d'Union Nationale ?  Ne pensez-vous pas que ceci aurait le mérite de «
gommer » la transition, de privilégier la COHERENCE et d'expliquer le
mode d'agissement consensuel que l'ANT a actuellement adopté
contrairement à la loi fondamentale ?  Puisquon parle de l'Assemblée
Nationale de Transition, peut-on savoir à qui rendent compte les honorables membres de

cette auguste institution ?  A leurs propres partis politiques qui sont pressentis comme

étant leur « réelle » circonscription ?  Non, parce que tout  montre qu'ils échappent au

contrôle des pseudo-dirigeants de partis politiques.  A qui alors ? 
Au FORUM ?  Au Président de la République ?  Au peuple ?  A qui
réellement ?  Doit-on les observer avec impuissance, enfreindre avec
persistance la loi fondamentale et les autres lois kandi binyuranije
n'indahiro yabo ?  Kubirebera utagize icyo ubivugaho ntibwaba ari
bumwe mu buryo bwo kwimakaza ingeso yo kudahana ?  Nimutiga kubivuga
mu nzibacyuho se ni ryari muzabivuga ?Ese abo BADEPITE bubumwe ko
badatinyuka gutumiza Perezida wa Repuburika (cyangwa se minisitri
wingabo) kugira ngo asobanurire abaturage iby'intambara ibugarije,
bategereje ko yibwiriza ?  Ese aho ntibaba ari abadepite ba Perezida
kurusha uko ari abadepite bamashyaka cyangwa kurusha uko ari
abadepite babaturage ?    Ari byo se ubwo twaba turi mu nzibacyuho
koko cyangwa ibintu byaba byarakomereje aho byari bigeze ?
b) Certains auteurs (W.A LEWIS) affirment que le parti unique marque
l'aboutissement d'une évolution qui part du multipartisme, passe par
le bipartisme inégalitaire pour arriver au parti unifié, dernière
étape avant la parti unique.  Les raisons avancées pour l'évolution
vers le parti unique sont partout les mêmes et sont sous-tendues par
trois arguments principaux à savoir :  l'intégration nationale, la
modernisation économique et l'homogénéité sociale !  Ne pensez-vous
pas que ce cliché fait actuellement autorité au Rwanda ?  Autrement
dit, ne croyez-vous pas que vous confondez sciemment TRANSITION et
L'EVOLUTION précitée ?  Na-t-on pas l'impression que  lors des
négociations, certains ont accepté la transition en la concevant 
comme un conclave dans lequel ils allaient fondre toutes les
conventions (Accords de paix et autres) pour les verser dans un moule
étudié afin de produire à la sortie un pouvoir « sur mesure et sans partage » ?

c)  Au milieu des années 50, Carl Friedrich a caractérisé le totalitarisme par six traits

fondamentaux et la lecture de Z.  Brzezinski, et D. Colas permet de les compléter avec

quatre autres.  Nous pouvons donc dire que le totalitarisme qui est synonyme de

dictature se définit par la réunion de dix critères suivants qui doivent tous être présents

pour que la notion soit appliquée avec validité.


1.  Une idéologie officielle constituée d'une doctrine officielle
couvrant tous les aspects  vitaux de lexistence humaine et à laquelle
tous ceux qui vivent dans la société sont supposés adhérer, au moins
passivement.

2.  Un parti de masse unique comprenant un nombre relativement faible
de la population totale (pas plus de 10%) dhommes et de femmes
dévoués avec passion et sans réticence à lidéologie et cherchant par
tous moyens à promouvoir son acceptation généralisée.  Un pareil parti
est organisé sur un mode strictement hiérarchique et oligarchique.

3.  Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir  sur tous
les moyens de combat armé effectif.  Ce monopole est entre les mains
du parti et de ses cadres, cest-à-dire soit de la bureaucratie, soit des forces armées.
4.  Un quasi monopole, techniquement conditionné, du pouvoir sur tous
les  moyens effectifs de communication.   Il  est lui aussi dans les mains du parti.
5.  Un quasi monopole des moyens de production et de léconomie dans
son ensemble qui obéit à une planification centralisée.
6.  Un système de pouvoir policier terroriste, sappuyant sur les
monopoles de la violence et des moyens de communication, qui nest pas
seulement dirigé contre des « ennemis » du régime mais aussi contre
des catégories arbitrairement sélectionnées de populations.

7.  Le passage des catégories de la guerre à celle de lhygiène sociale
consistant à stigmatiser certains groupes comme nuisibles, parasitaires et quelques fois

assimilés à des insectes dont la dangerosité ne tient pas à une volonté malveillante mais à

une malfaisance naturelle.  Ici apparaît la naturalisation du social qui est très voisine et

pire que le racisme.

8.  La fusion du parti-Etat  et de la société civile  qui consiste à voir les cadres du

Parti-Etat envahir (ou récupérer) la direction des groupes dintérêts (organisation

professionnelle, syndicats ouvriers, groupements féminins, associations à revendications

paysannes, etc) et celles des groupes didées (groupements idéologiques et

confessionnels, groupements de condition, société de pensée et les clubs).

9.  A condamnation de la moindre espace de liberté  dans la famille, la
société civile ou lEtat.  Le parti veut tout savoir sur tout et partout.

10.    Le projet de construire une société régulée par une idéologie unique, commandée

par un parti-Etat unique, visant à produire une société unifiée où les divergences et la

compétition ne sont point tolérables et qui finit par échouer soit part lapparition dune

caste bureaucratique elle-même clivée en groupes rivaux, soit sur la répression de masse,

soit sur la faillite économique.

En comparant la situation politique qui prévaut
actuellement dans notre pays et celle qui prévalait avant avril 1994 à
cette grille de définition de la dictature, y a-t-il lun ou lautre
critère qui nétait pas rempli avant 1994 ?  Y en a-t-il un seul qui
ne soit pas rempli actuellement ?  Pouvez-vous vous appuyer sur la
réponse à cette dernière question pour déterminer si oui ou non on est
dans un régime totalitaire ?  Au cas où il apparaîtrait quon est
aujourdhui dans un régime totalitaire, pensez-vous quil soit honnête
d'affirmer quil y ait eu transition ?  Si quelquun persiste à nous
faire croire quil y a transition, cette honorable personne
pourrait-elle nous dire le seul critère que vous, dirigeants de
familles politiques, avez tenté de corriger ces six dernières années ?

Ne croyez-vous pas que la transition devrait prendre effet à partir
de l'instant où un parti manifesterait la volonté de rectifier lun
quelconque des dix critères ci-haut mentionnés, et quelle (la
transition) devrait prendre fin dès lors que la rectification dudit
critère serait entièrement réalisée.  Puisque le dixième critère nous
renseigne que le projet de construire une société régulée par une
idéologie unique commandée par un parti unique finit toujours par
échouer (les exemples font légion), pensez-vous quil soit réellement
intelligent de cautionner ce genre de projet ?  Est-ce que la cécité
politique ne serait pas entrain de vous amener à vous comporter comme
les pauvres paysans de lhistorique camionnette du Docteur GASARASI ?
Si vous deviez faire une étude comparée du
comportement des trois régimes (MDR, MRND, FPR) sur les cinq premières
années de leurs règnes respectifs (63-68, 74-79, 95-00), dans lequel de ces régimes

retrouveriez-vous les éléments suivants : 1° la récupération du pouvoir  par les armes

avec éventuellement la logistique dun pays étranger, 2° labsence dun projet de société, 3°

linstallation dun président virtuel et intérimaire, 4° le phagocytage des autres partis

politiques, 5° le discrédit interne de certains leaders charismatiques (gutesha umurongo)

et 6° linstauration dune monarchie pseudo-républicaine. ?

Pensez-vous que les similarités que lon pourrait constater ne
seraient pas trop alarmantes ?  Qui, du PARMEHUTU et du FPR emprunte à
lautre les méthodes de gouvernance ?  Doit-on penser quils ont
toujours consulté les mêmes bureaux détude sans  le savoir ?  Ou que
notre culture contient des germes bloquants qui enlèvent à nos analystes politiques la

capacité de se soustraire à toutes les représentations tant individuelles que collectives ? 

Ne pensez-vous pas que si la transition pouvait servir dabord à combattre les préjugés,

elle sauverait la nation rwandaise et permettrait daccéder un jour à un ETAT du DROIT,

REEL ?


C. DU PROFIL DES CHEFS DES PARTIS


Lors de lavènement du multipartisme dans notre pays, nous avons
assisté à lémergence de toutes sortes de partis politiques.  On a vu
naître des partis de cadres (PSD, PL), des partis de masse quon
appelle aussi révolutionnaires-centralisateurs (FPR, MDR, MRND) et des
partis pragmatiques-pluralistes (les autres) quon appellera plus tard
partis satellitaires.  Les deux premiers types de partis donnaient limpression dêtre

fortement structurés et avaient à leur tête des équipes dirigeantes apparemment

compétentes et bien soudées. 
Malheureusement pour et par opportunisme, elles devront imploser les
unes à la veille de la réalisation du génocide en 1994, les autres
plus tard.  Par la suite, on a vu apparaître à la tête des partis, le
club de Byumba.  A lexception dune ou deux personnes, aucun autre
membre du club de BYUMBA ne remplissait les conditions de leader, mais
malheureusement, ce sont ces derniers qui récupéreront les directions
de Partis. 
Personnellement, je nai pas compris et je ne
comprends pas pourquoi le FPR na pas pris en ce temps ses
responsabilités.  Plus loin, la brèche étant ouverte, on verra
s'infiltrer des HUTU de service, des RESCAPES  de service et enfin des
RAPATRIES de service.  Ces amalgames, placés à la tête de ce qui
devait sappeler partis politiques et affaiblis par lhétérogénéité de
leurs composantes, vont tenter de se renforcer en trouvant refuge dans
ce quon a appelé FORUM DES PARTIS, ce dernier faisant penser à un
organe dexécution dun parti unifié (dernière étape vers le parti unique où les partis

dopposition se trouvent éliminés soit par exclusion, soit par coalition ou soit par

absorption et où les différents partis rescapés décident de sunifier sous légide dun plus

puissant) (A. LEWIS).  A ce niveau donc, il ny a que des silhouettes des dirigeants,

commis dun certain Charles ! !
Pour poursuivre, on peut encore relever que lesdits
dirigeants des « so called political parties », membres du FORUM, ont
tous en commun la caractéristique de sêtre AUTOPROCLAMES.  Néanmoins,
j'estime personnellement que ce nest pas le plus grave car, non
contents de s'être autoproclamés, ils poussèrent loutrecuidance
jusquà se substituer entièrement aux adhérents et tentèrent dassurer
leur arrière-base en utilisant lappareil de lEtat comme instrument de prédation qui devait

leur permettre daccumuler les richesses.
Dans leur entendement, cette accumulation doit générer un pouvoir
coercitif nécessaire à la défense de la situation acquise.  Des
fragments de ce pouvoir seront même utilisés pour créer des transfuges
de tous bords et favoriser le renforcement du Forum, cadre informel,
illégitime et illégal, qui viendra même surclasser les institutions de
l'Etat légalement reconnues.  LEtat prédateur étant confirmé, la
mentalité du gain facile sinstalle, le système clientéliste
fonctionne à merveille et la dégradation  politique est à son comble à
telle enseigne  quon verra de pseudo nyangamugayo recourir au
mensonge pour aboutir à des fins non avoués (ici, les honorables Tito
RUTAREMARA et Médard RUTIJANWA voudront m'excuser mais je pense qu'ils
sont de ceux qui ne devraient pas tenter de faire objection).
Subséquemment, nos chers dirigeants de « partis » vont se
sentir investis à tort, du pouvoir de faire et défaire à volonté les
carrières politiques de ceux qui nauront pas voulu que lon
privilégie la cléptocratie  (kuva inda irya) au détriment de la
fraternité (kuva inda imwe).  Ils se permettront même de commettre des
erreurs politiques au nom de « leurs abayoboke » (comprenez que atari
abayoboke bishyaka).  Pour illustrer cela, je voudrais chers
compatriotes vous rappeler quelques unes de ces erreurs politiques qui
vous incombent (à vous et non aux partis) et qui sont inhérentes aux
derniers événements politiques qui viennent de se produire dans le pays, car cela est

encore présent dans nos mémoires.
1° Vous voudrez mexcuser et me permettre daffirmer que vous navez
pas consulté  vos bases (si petites soient-elles), et que vous avez de
votre propre initiative posé lacte de soutien au candidat Président ,
cela dans une  logique partitocratique (la partitocratie veut que les
dirigeants des partis récupèrent la souveraineté des adhérents et
l'exploitent pour se partager entre eux le pouvoir et lavoir
national, sans plus).  Ce faisant vous avez instauré sciemment une
monarchie absolue (au sens radical du terme mais non pas
nécessairement négatif) dans laquelle le monarque sappelle PRESIDENT
de la REPUBLIQUE et où le club dABIRU nest rien dautre que le FORUM
des PARTIS, sans imaginer  un seul instant que des observateurs
malveillants pouvaient insinuer que ce qui se fait depuis une année au
Rwanda nest quun montage savant  pour réaliser un coup dEtat Civil.
La démarche préalablement proposée est inversée (quel brusque
renversement de sens et de direction).  Plus rien ne vient den bas,
il ny a plus déchange mais allocation, qui suppose un double
mouvement, mais à projection.  La lumière ne vient plus den haut.  Le
miroir déformant est en place et un groupe de pseudo-penseurs peut se
contempler de manière auto-satisfaite en croyant représenter un peuple
qui ne sent concerné quen tant quauditeur, disciple ou témoin.  Tant
pis alors si la culture de sujétion semble se réinstaller au détriment de la culture de

participation dont pourtant vous ne cessez de faire éloge dans vos discours !  Ainsi

aurez-vous aidé à renforcer la réinstallation de la dictature.
2°  Sans vouloir me substituer aux comités directeurs des « partis
politiques », je pense, et vous pourrez me corriger si je me trompe,
que lors de la présentation des candidats Présidents la loi
fondamentale a été bafouée en plusieurs endroits, mais je ne parlerai
ici que dun cas banal de courtoisie outrancière frisant lingérence.
En effet, si on admet que le Général Major Paul KAGAME fut le
candidat des partis politiques (MDR, PL, PDC, PDI, PSD, PSR, UDPR), le
FPR naura présenté quun seul candidat, à savoir Charles MULIGANDE. 
Or, cette procédure nétant prévue par aucune  loi, on peut penser que
le FPR a incidemment présenté le Général Major Paul KAGAME  sur
sollicitation des autres partis politiques, ladite sollicitation
devant être perçue comme une coercition ou, à la limite,  comme une
interférence des autres partis dans les affaires du FPR.  Dans ce cas
d'espèce, la jurisprudence devait faire autorité et la procédure de
présentation des candidats recommencée.  Navez-vous  pas encore en
mémoire le cas MAKUBA lors de sa présentation comme candidat du PSD à
la Présidence de lAssemblée (ce nest pas loin de la Présidence de la
République) ?  Une action des partis, similaire à ce quon vient de
citer plus haut fut posée, taxée dingérence et condamnée.  La
procédure fut recommencée.  A mon avis, le cas devrait faire
jurisprudence.  A moins alors que le dernier schéma fut fait sous
instigation du FPR, auquel cas on pourrait parler de MANIPULATION.
Dans lun ou lautre scénario, la loi fondamentale serait bafouée, ou dans sa lettre, ou alors

dans son esprit.
3° Afin avec tout le respect que je vous dois, je peux me permettre de
vous faire remarquer que votre récent positionnement accuse un défaut
de prospective.  En effet, quiconque observe le paysage politique
rwandais depuis une année peut affirmer sans ambages quil y a une
crise sans précédent dans les annales politiques tant nationales
quinternationales car on observe pour la première fois une panne
générale et simultanée des institutions.  Dans  une intervalle ne
dépassant pas six mois, on a  vu tomber le Président de la Cour
Suprême, le Président de lassemblée Nationale, le Premier Ministre et
le Président de la République.  Au lieu de chercher à connaître les
causes de ladite crise, de les comparer avec celles des crises
précédentes (le colloque de BAMAKO aurait été ici dune grande utilité
puisque Messieurs Charles MULIGANDE, Tito RUTAREMARA et Stanley SAFARI
y étaient et sont membres influents du FORUM), den étudier les incidences possibles sur

notre société, et den chercher les remèdes et les effets seconds pour pouvoir endiguer à

temps la crise qui couve, et installer des instruments de prévention pour les crises

éventuelles à venir, vous vous êtes précipités pour appliquer la loi du clou qui en chasse

lautre (ngo nayo ihita ifatwa mu rubaho) sachant pertinemment que cela ne résolvait en

rien le problème.

(Jean Mbanda, 1er Juin 2000)