«Moi, Angélique Kabuga, fille de Félicien Kabuga injustement recherché pour
génocide »
Au début du mois de juin a été lancée de Washington une campagne de chasse à
l'homme, relayée par les médias kenyans, à lencontre de Félicien Kabuga
présenté sans ambages - ni la moindre preuve - comme « le principal financier du
génocide rwandais de 1994 ». Comme d'autres personnes pourchassées sans
fondement, Kabuga est Hutu et en exil. Pour avoir fait fortune sous le régime du
président Habyarimana, avec lequel il a des liens familiaux, le pouvoir de
Kigali tente de persuader une justice sous influence quil nest rien de moins
quun «génocidaire»
Ce n'est pas la première fois que mon père, Félicien Kabuga, est victime de
harcèlement médiatique et judiciaire, faisant suite à des accusations
extravagantes et mensongères. Il n'est malheureusement le seul Rwandais hutu harcelé
injustement de la sorte. Les accusations de «génocide » ont été suivies par
le vol, l'utilisation frauduleuse (par des proches du régime) et la
dégradation de ses biens laissés au Rwanda, ainsi que par le blocage de ses comptes
bancaires et ceux des siens, sans parler du harcèlement policier dont est
victime sa famille en Europe (perquisitions, écoutes téléphoniques,
interrogatoires, etc). La reprise de la chasse à l'homme contre mon père n'est qu'un
épisode de plus dans lacharnement des actuelles autorités de Kigali et de leurs
alliés contre un homme que tous savent pourtant innocent des crimes dont il
est accusé, tous, à commencer par ceux qui le traquent.
Je m'appelle Angélique Kabuga. Je suis la fille de Félicien Kabuga et, vu
lampleur que prennent les fausses allégations à lencontre de mon père, jai
résolu de m'adresser à la conscience publique dans le but de rétablir la
vérité, de dire qui est vraiment cet homme et démontrer à quel point il est
différent du personnage criminel inventé par ses détracteurs.
Mon père est né au Rwanda en 1934. Issu d'une famille pauvre, il n'a pas eu
l'occasion de faire des études et a dû commencer à gagner sa vie très jeune.
Son premier franc, il l'a gagné en vendant un panier d'osier qu'il avait
tressé de ses mains, débutant ainsi sa carrière de commerçant. Il a toujours été
honnête aussi bien dans sa vie professionnelle que dans sa vie privée. Il
comptait parmi ses amis des personnes de toutes ethnies, de toutes catégories
sociales et même, bien plus tard avec l'avènement du multipartisme au Rwanda,
des personnes de sensibilités politiques diverses. Nombreux sont ceux qui
pourraient témoigner dans ce sens. De même, il a éduqué ses enfants dans le
respect de tous, sans distinction dorigine, que celle-ci fût sociale ou ethnique.
Ses affaires étaient, grâce à l'énergie qu'il y consacrait, très prospères
et il ne fait aujourd'hui aucun doute que les économies qu'il avait engrangées
suite à de nombreuses années de dur labeur sont la cause réelle de
l'acharnement dont il est victime.
Mon père a, comme beaucoup de Rwandais, souffert de la guerre qui a été
imposée au peuple rwandais en octobre 1990 par l'attaque armée du FPR,
aujourd'hui au pouvoir, qui a commis des abominations et atrocités que des régions
entières n'ont pas oubliées: tortures et massacres d'innocents par milliers,
déplacements de populations dans des campements de fortunes, viols et propagation
de maladies sexuellement transmissibles, pillages... Inutile de dire que
personne nen redemandait. Encore moins mon père qui a perdu beaucoup de ses
proches et, sur le plan commercial, ne pouvait que déplorer la baisse drastique
de ses affaires en raison de la situation dinsécurité et de troubles. Cest
une évidence, et mon père, comme d'autres, avait tout à perdre de la guerre
et fait partie de ceux qui poussaient à la recherche de voies pacifiques pour
mettre fin au conflit qui paralysait le pays.
On accuse également mon père d'avoir fondé la télévision Libre des Mille
Collines (RTLM) « dans le but d'exterminer des Tutsis et des Hutus modérés».
Présenter les choses de cette façon est évidemment commode pour ses
détracteurs et, malheureusement, assez répandu. La vérité est que cette radio a été
créée par des hommes daffaires pour des raisons banalement commerciales. Au
moment de sa création, léconomie rwandaise, incitée à la libéralisation dans
le cadre du programme dajustement structurel, découvrait la concurrence et
le secteur de la publicité était prometteur. Investir dans ce média, pour mon
père, devait être rentable, comme dautres projets dans lesquels il avait des
participations: la STIR (Société de Transport International du Rwanda), la
BCR (Banque Commerciale du Rwanda), la BACAR (Banque Continentale Africaine
Rwanda) LARWANDAISE (qui comprenait une société de vente de véhicules de
marque Mercedes Benz ainsi quune minoterie) et bien dautres.
Contrairement à une rumeur savamment distillée, Monsieur Kabuga nétait pas
majoritaire dans la RTLM, loin de là. Sa participation se limitait en effet à
1% des 100.000.000 de FRW de capital social prévu (soit environ 500 000 USD
de l'époque) dont seulement le tiers avait été libéré. Une participation
plutôt symbolique au regard de ses parts dans dautres sociétés.
Etant une personnalité en vue, il lui avait été attribué le titre purement
honorifique - sûrement pour des raisons marketing - de président du Comité
Initiative. Cependant, il n'est jamais intervenu dans la gestion de la Radio,
soit pour définir la ligne rédactionnelle ou les programmes, soit pour donner
des instructions quelconques. La RTLM a été caricaturée depuis, comme on sait,
mais le fait est que aucune des émissions diffusées alors nincitait à la
haine ethnique et les politiciens de tous bords allaient sy exprimer.
Enfin, il convient de rappeler que, immédiatement après lattentat contre le
président Juvénal Habyarimana, dont l'avion a été abattu le 6 avril 1994, le
pays a tout de suite été plongé dans un chaos indescriptible. Le téléphone
et lélectricité étaient coupés et personne nosait saventurer sur les routes
qui étaient le théâtre de combats acharnés entre les troupes rebelles du FPR
(en particulier à Remera, où habitait notre famille) et l'armée régulière
rwandaise. Prétendre, dans ces conditions, que mon père ait pu agir pour «
donner des instructions » ou « diriger » quoi que ce soit, relève de la pure
fiction. De nombreux témoignages sur cette période ont bien décrit la situation.
Par conséquent, si des personnes ont réellement exprimé des idées racistes
sur les ondes de cette radio ou par le biais de tout autre média d'ailleurs,
il est juste et normal qu'elles soient jugées. Ceci est aussi valable pour un
média qui sévertue désormais à se faire oublier: la radio du FPR, « Radio
Muhabura » a toujours incité sans équivoque à la haine des Hutus et à leur
élimination pure et simple. Ces faits sont connus.
Venons-en à la grande accusation contre Monsieur Kabuga : celle davoir «
préparé le génocide ».
Ceux qui concoctent ces mensonges doivent être motivés par une haine sans
limite. La caractéristique de Monsieur Kabuga a été de « ne pas faire de
politique», tout simplement parce que cela lui semblait incompatible avec ses
activités commerciales. Jusquen 1990, le Rwanda était sous régime monopartite et
tous les Rwandais faisaient donc partie du MRND. Le Rwanda était prospère et
connaissait la paix. Contrairement à ce qui a été affirmé plus tard, à
lépoque je n'ai pas vraiment perçu de «ségrégation ethnique» entre Hutus et
Tutsis. Ainsi, dans toutes les écoles privées que mes frères, mes surs et moi-même
avons fréquentées, la majorité des étudiants et des enseignants étaient
tutsis.
Avec l'avènement du multipartisme et la liberté de choisir son parti, le
programme politique dunion et de paix prôné par son ami le président
Habyarimana a semblé à mon père le meilleur parmi tous les autres. Cest donc tout
naturellement quil est resté sympathisant de ce parti politique pacifique. Pour
autant, il na jamais exercé une quelconque responsabilité politique. Tout au
plus a-t-il assisté en citoyen électeur à des meetings.
Pour créer des amalgames, procédé typique dans cette affaire, les
accusateurs de mon père relèvent que parmi les marchandises distribuées par ses
sociétés figuraient aussi des machettes. Faut-il rappeler quavant dêtre détournée
à des fins criminelles, la machette est un outil d'usage courant chez les
agriculteurs qui peuplent majoritairement notre pays et toute lAfrique
centrale? Mon père était importateur, entre autre, de produits de consommation de
masse, dont le petit outillage agricole et les machettes, et ce depuis les
années 1970. L'importation de machettes venues de Chine date précisément de 1981.
Affirmer ou insinuer que cette activité date de 1994 pour y voir
préméditation et calcul est de la pure manipulation. Dautant que mon père n'était ni le
premier, ni le deuxième plus gros importateur de machettes au Rwanda. Cétait
un marché également exploité par plusieurs autres commerçants dont des
Tutsis. Parmi eux figuraient Uzziel Rubangura. Une société au nom de «
Etablissements Jobamputras qui exerce encore aujourdhui au Rwanda, le plus légitimement
du monde, avait importé en 1993, le triple de ce quavait importé mon père.
Cette société na jamais été inquiétée - et ce à juste titre! Par ailleurs,
la société Rwandex Chillington, sans aucun lien avec mon père, produisait des
machettes au Rwanda même cependant comme pour bon nombre dautres produits,
l'insuffisante production locale était compensée par des importations.
Enfin, la Croix-Rouge, bien après 1994, a été, à plusieurs reprises, amenée
à distribuer gratuitement aux populations en détresse dans des camps de
déplacés, des «kits de survie» à chaque ménage, contenant une machette, outil
agricole ou domestique polyvalent. Bref, voilà ce qui vaut létiquette de
«génocidaire » à mon père, un homme qui a toujours respecté la vie humaine. Tant de
gens pourraient en témoigner. Il fréquentait beaucoup d'amis sans distinction
dethnie, de niveau social ou de sensibilité politique.
Comme nombre de Rwandais injustement calomniés, mon père a nourri l'espoir
de pouvoir sexpliquer devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda
(TPIR) et sest beaucoup réjoui de son instauration. On allait enfin pouvoir
disséquer et établir les faits, en élucider les causes et révéler les
instigateurs. Au fil des parodies de procès auxquelles on assiste à Arusha depuis si
longtemps, mon père aussi a dû déchanter. Des collectifs davocats dénoncent
régulièrement la violation des droits de la défense, les procédures bâclées
et l'accusation sélective. Au Rwanda, un mouvement rebelle, le FPR, a pris les
armes contre un régime légitime et provoqué une guerre de quatre ans au
cours de laquelle des crimes abominables ont été commis. Déclarer de prime abord
que les seules personnes à juger sont désignées par le nouveau pouvoir FPR,
que des rapports accablants désignent comme étant à l'origine du tir de
missile qui a abattu l'avion transportant deux chefs dEtat, son état-major et un
équipage français, cause immédiate des massacres à grande échelle de 1994 -
voilà qui jette un doute rédhibitoire sur l'impartialité de ce tribunal- Ceux
qui, malgré tout, nont suivi que leur besoin de vérité et de justice et se
sont prêtés au jugement dArusha, croupissent en prison sur la base de procès
truqués que la presse a mainte fois décrits et dénoncés.
Qui est traduit devant le TPIR?
Essentiellement des personnes apparaissant sur la fameuse «Liste des
génocidaires » établie arbitrairement par le FPR et servant de bible à laccusation.
Des journaux réputés comme Le Monde, Libération et Africa International ont
souligné les bizarreries de la dite liste, où des proches du régime FPR
apparaissent subitement une fois tombés en disgrâce... où figurent des gens qui ne
se trouvaient plus au Rwanda depuis quelques années (diplomates en poste à
létranger, étudiants) sans compter les erreurs grossières sur les noms, les
fonctions et/ou la localisation géographique. A l'analyse, le seul lien sûr
entre les réprouvés de cette liste hétéroclite (hommes politiques, artistes,
intellectuel, commerçants fortunés comme mon père) est d'être tous de lethnie
Hutu.
Comme par hasard, tous figurent également sur la liste dressée par le FPR en
janvier 1994 (donc avant le fatidique 6 avril) regroupant des personnalités
Hutu présumées susceptibles de menacer le plan de conquête du FPR, liste qui
circule toujours dans les milieux rwandais. A quelle fin cette liste
avait-elle été établie? Nous attendons toujours que le TPIR, qui dispose de moyens
financiers faramineux, se décide enfin à expliquer de manière claire et
objective le déroulement du drame rwandais.
Sait-on que ce tribunal pratique laccusation collective et que les charges
retenues contre les accusés d'un même groupe (arbitrairement constitué) sont
identiques? La cause est tellement entendue quil ne se donne même plus la
peine de mentir intelligemment.
Sait-on que les « prévenus» sont condamnés sur simple déclaration de
«témoins» régulièrement discrédités et «sélectionnés» par le régime de Kigali?
Sait-on que le TPIR est un tribunal qui modifie lui-même règles et
procédures comme cela semble l'arranger, mais toujours dans le but de réduire tous les
jours les droits élémentaires déjà dérisoires de la défense?
Le procureur du TPIR, Mme Carla del Ponte, peut-elle avoir la conscience
tranquille devant de tels dysfonctionnements? Quelle crédibilité peut-elle avoir
lorsquelle avoue faire des règlements du Tribunal pour arriver à ses fins,
en reconnaissant, lors dune conférence à Bruxelles, avoir dû créer des
charges nouvelles pour maintenir en détention un «génocidaire» reconnu non
coupable par son tribunal, jugement qui ne lui plaisait pas?
Sait-on que certains sont en détention préventive depuis sept ans, sans
charges précises?
Imperturbable, alors que la responsabilité de Paul Kagamé et son régime a
été gravement mise en cause dans les évènements de 1994; alors que des rapports
tout aussi officiels ont dénoncé le massacre de plusieurs centaines de
milliers de personnes dans lex-Zaïre en 1996 et 1997 par les troupes du FPR;
alors que lONU demande sans succès à Kagame de retirer ses troupes du Congo
voisin quelles occupent et pillent sans retenue, se rendant coupables récemment
de nouveaux massacres à Kisangani, Mme Carla del Ponte a exclu - doffice -
toute action visant à demander des comptes à Kagame, notamment au sujet du
double assassinat présidentiel et les tueries depuis 1990, année ou son
mouvement le FPR déclencha les hostilités. Apparemment, il est plus urgent de
pourchasser des innocents au seul motif que Kagame en a décidé ainsi. Pense-t-elle
contribuer de la sorte à la reconstruction de lavenir? Pense-t-elle servir la
justice?
Aussi longtemps quon ne laissera aucune tribune dexpression aux opposants
au FPR (un TPIR aux ordres, des médias qui recrachent des clichés sans le
moindre recul, des manifestations des réfugiés qui ne sont jamais rapportées
dans les médias ...); tant que des clichés simplistes feront la loi et que tout
Hutu sera présumé coupable de « génocide »; tant quil ne sera pas admis
qu'on peut ne pas éprouver de la sympathie pour le FRP sans être forcement «
génocidaire », la vérité n'éclora pas et linjustice demeurera.
Mon père Félicien Kabuga, dont la tête a été mise à prix, est victime dun
plan machiavélique de Paul Kagame, juge et partie du drame rwandais, avec le
soutien de ses amis américains. Face à ce rouleau compresseur qui tente de
réécrire l'histoire, broie des individus, des familles, des clans entiers, je
voulais faire entendre une voix qui résiste au désespoir et en appelle à ceux
qui croient encore que la justice des hommes peut avoir un sens.
(RWANDA
LE CAS DUN HOMME D'AFFAIRES PROSPERE REVELE -UNE FOIS DE PLUS - LE
PARTI-PRIS ET L'ARBITRAIRE QUI DISCREDITENT LE TRIBUNAL PENAL
INTERNATIONAL POUR LE
RWANDA - TPIR)